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mardi 23 avril 2024

31 décembre

En ce 31 décembre 2014, les habitants du temps profiteront de la vingt-sixième seconde intercalaire depuis la création par les humains de cette particularité et feront un saut de seconde pour se glisser dans notre monde. Alors, nous vivrons au ralenti, mais sans nous en rendre compte. Bonne année tout de même !

Anthony Boulanger


— 5,4,3,2,1 et b…
— Hé… attendez une seconde que je m’installe.

Père Désœuvré


Atlas se pencha sur le côté, étirant son cou pour jeter un bref coup d’œil au globe terrestre. S’il plissait les yeux, il pouvait observer les milliards de fourmis s’agitant sur les différents continents. Il ressentait également contre son épaule le léger frottement de la planète, comme celle-ci poursuivait sa lente et à priori éternelle rotation.
Zeus, qui flânait dans les environs, déguisé en oie sauvage, vit soudain l’ombre d’un sourire sur les lèvres du fils de Thémis. Celui-ci enserra plus fortement la Terre entre ses bras, ralentissant très légèrement la vitesse de rotation de la planète.
— Tu n’as pas bientôt fini d’ennuyer ces pauvres humains ? le réprimanda Zeus. Ils vont à nouveau devoir ajouter une seconde intercalaire à leurs horloges… Je n’ose imaginer le nombre affolant de leurs machines qui vont tomber en panne, aujourd’hui…
— Ils n’ont qu’à ne pas faire semblant d’avoir inventé le temps. Je suis sûr que Chronos m’approuverait, d’ailleurs, rétorqua Atlas.
Zeus éclata de rire, bientôt imité par le titan. Un fracas épouvantable emplit alors le silence de l’espace.
— Oups…
Le lendemain, Le Monde titrait sur le séisme de magnitude 4,8 qui venait d’agiter les Pyrénées…
31 décembre 2012 : un séisme secoue effectivement les Pyrénées

Pascal Bléval


— Je sais que c’était une année de merde, mais quand même… finir ainsi.
La lieutenante de police reposa le drap sur le corps sans vie qui baignait dans une flaque de sang mêlée de vomi.
— D’après les premiers examens, dit le légiste, elle a été abattue, poignardée, noyée, décapitée, et on a aussi découvert les symptômes d’une fièvre qui ressemble à Ebola.
La femme-flic hocha lentement la tête :
— Il est fort, le fils de pute, très fort… c’est la 2014e victime et toujours pas de piste.
— Qu’est-ce qu’on va faire, lieutenant ?
La policière déboutonna sa veste et en écartant les pans d’un geste décidé :
— Il faut un putain d’appât !
Imprimés sur son débardeur moulant sa poitrine parfaite s’étalaient les chiffres 2.0.1.5.
— Cette année, je vous le dis, va être badass !

On a tué 2014 !

Nelly Chadour


— Allez, Cronos, dépêche-toi donc un peu, on va être en retard !
— Oh, c’est bon, ça va pas changer la face du monde, une seconde de plus ou de moins…
Sandrine Scardigli


Dans la salle de rédaction des Microphémérides, la tension est à son comble.
— Mais non, je ne sais pas où il est ! s’écrit Sandrine, les nerfs à vif.
À ses côtés, le Père soulève des dossiers frénétiquement, lui aussi à la recherche de quelque chose. Tous les auteurs sont là pour fêter la fin de l’année, un an de labeur et d’écrits, d’inspiration ou de coups d’éclat et de réécriture de l’histoire en place. Anthony et Céline portent chacun un sac rempli de cadeaux, tandis que Jacques et Ludovic s’occupent de l’alcool.
— Alors ? s’impatiente Sandrine, tu trouves ?
Devant le silence du Père et l’impatience de certains membres de l’équipe (les deux Vincent jetant des regards désespérés en direction des sacs de boissons), Sandrine tape du pied.
— J’ai le premier pourtant. Mais impossible de remettre la main sur le second ! Et sans le second intercalaire, pas de microphéméride en 2015 ! C’est sur celle-là que j’avais noté la liste des auteurs retenus pour l’an prochain !

Bénédicte Coudière


Le stagiaire marche sur des œufs et sur les feuilles du classeur « tombé » par terre une semaine plus tôt. La paperasse s’est répandue sur toute la moquette du bureau de sa supérieure démoniaque. Le 24 décembre au soir, le succube en charge des grands comptes à la Mammon Corp. Inc. l’a convoqué. Lui, le pauvre stagiaire, damné de la Terre à plus d’un titre, n’avait eu d’autre choix que de s’exécuter quand elle lui avait demandé de ramasser quelques feuilles et une intercalaire. Encore un de ses jeux sadiques et vicieux. Voilà le cadeau de Noël qu’elle lui a laissé quand il s’est baissé ! Il a cru qu’il n’arriverait jamais à se relever, sans même parler de sortir dignement du bureau.
Et voilà que ça recommence…
— Mon chou, tu peux me récupérer le dossier Madoff ? Et tu me prendras aussi une autre intercalaire ?
En cet instant, alors qu’il se plie en deux, le pauvre stagiaire sait deux choses : qu’il ne s’appelle pas Sylvestre, mais que ça va quand même être sa fête.
Quelque chose de chaud et gluant – un… un tentacule ?– remonte le long de sa jambe, à l’intérieur de son pantalon et se fraie violemment un chemin dans son intimité. Un début de rébellion, superbe et ridiculement vaine, bouillonne en lui :
— C’est… c’est la dernière fois que je récupère une intercalaire… ou une feuille, ahane-t-il entre ses dents serrées.

31 décembre : journée de la seconde intercalaire

Jacques Fuentealba

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