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vendredi 19 avril 2024

22 octobre

— Quel regard, ce nouveau-né ! dit Arsile, en frissonnant.
— Bah, commenta Maglore, pas impressionnée pour un sou, en tirant à la paille une grosse gorgée de son Coca-Cola. C’est parce qu’il n’a que quelques heures… Il est complètement bigleux, ce chiard. Alors forcément, ça peut créer une impression déconcertante.
— Nan mais il y a quelque chose, dans ses yeux…
— Mouais, si tu veux. Bon, on y va ? On lui file ses cadeaux bonus et on se casse. On a encore plein de boulot…
— Pfff, râla Arsile. Des fois, ton manque d’empathie est flippant.
— Bah ! Moi, je reste persuadée que la Terre se porterait bien mieux sans l’humanité. Alors tes leçons de morale, tu sais où tu peux te les carrer.
— Toujours aussi charmante, décidément. Bon, tu as raison sur une chose. On a une tonne de travail. Je lui donne le virus du voyage.
— Je vois ça, lâcha Maglore, les yeux révulsés, fixés sur l’avenir. J’orchestre un petit bidouillage de destin, sous forme de « coup de pouce ». Quand il aura dix-sept ans, le régime militaire en place le forcera à s’exiler de sa contrée natale.
— La vache, tu n’y vas pas de main morte, ma vieille.
— Je ne suis pas là pour pouponner, moi, trancha Maglore, cassante. Il préférera même l’errance à une grande actrice. Et pour équilibrer, je lui donne le grand amour.
— Pas un truc gnangnan et cul-cul, hein.
— Nan, Arsile. Le vrai grand amour, l’âme sœur. Le genre qui touche deux personnes sur deux cent millions. Qui te donne la force d’avancer, envers et contre tout, même quand la mort met son grain de sel.
— Cela me semble beau et bon, acquiesça Arsile, le regard également plongé dans le flot du temps. Et comme troisième don, je pensais aiguiser son œil déjà si vif.
— Ah tu recommences avec ça ? s’agaça Maglore. Mais c’est une obsession… Tu peux développer parce que ça n’est pas très clair !
— La capacité de figer le mouvement sur la pellicule, de saisir l’instant, de cristalliser des instantanés d’humanité, au plus près du courage, du désespoir, de la joie et de la vérité. Une danse macabre exécutée entre deux battements de cils, au nez et à la barbe du danger et de la mort.
Maglore se gratta la tête, décontenancée, et finit son Coca en aspirant bruyamment.
— Euh… On verra bien ce que ça donnera… Mais tu es sûre que l’on a ça dans notre catalogue de dons ?

22 octobre 1913 : naissance de Robert Capa, l’un des plus grands photographes de guerre du XXème siècle

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