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vendredi 29 mars 2024

21 mars – Journée internationale de la forêt

Dans un monde tel que le nôtre, noyé dans les branches tortueuses des contradictions et obligations, où la vie est rythmée par les obligations cérémonielles et notre éternelle quête d’absolu, il est bon de garder à l’esprit l’essence de certaines choses fondamentales. De jour en jour, les réserves s’étiolent. Nous les avons domestiqués, parqués, nous avons profité, exploité leur espace vital. Nous n’avons fait que peu ou pas cas de leurs traditions, de leur culture. Maintenant, la tendance doit s’inverser. C’est le moment ou jamais de les protéger avant qu’il ne soit trop tard, avant que nos jeunes générations ne les connaissent plus qu’au travers des manuels d’histoire, avant même que leur souvenir ne s’estompe définitivement. C’est pourquoi il est important de sensibiliser nos jeunes Ents en adoptant ce jour comme étant la Journée internationale de l’Humanité.

Vincent Corlaix


— Finalement, ces bipèdes sont plus influençables que prévu, marmonna le cerf Blaaaar en mâchonnant une nouvelle bouchée d’herbe fraîche.

— Quand même, lui répondit Pfrrr, sa compagne biche. Suggérer à un homme de créer une journée internationale de la forêt pour qu’ils arrêtent de grignoter sur notre territoire, et qu’ils plantent des arbres pour l’agrandir, il fallait y penser !

— Hé ouais, se rengorgea Blaaaar en plastronnant. Tu vois, c’est pour ça que je suis le chef et pas toi. J’ai des idées, moi.

— T’as surtout les bois qui enflent. Fais gaffe, ils risquent de t’exploser aux naseaux, répliqua Pfrrr en allant brouter un peu plus loin d’un air dédaigneux.

Pascal Bléval


On disait communément que ce jour annonçait le printemps, pourtant la neige craquait encore sous les bottes. Mais peu importait les petites morsures de froid rougissant le bout des nez, les rayons de soleil réchauffaient les cœurs. Une parfaite journée pour manquer l’école. S’il n’y avait pas eu Jerzy l’idiot qui les suivait partout. Jerzy et son corps replet comme un petit tonneau. Jerzy et ses gros yeux bridés et sa langue toujours sortie. Il les ralentissait dans leur chasse aux chats errants, ce débile. Alors les gamins ont eu une idée géniale : ils ont planté leur camarade devant un énorme chêne, dernier vestige de la forêt qui se dressait naguère aux abords de la ville. Ils ont expliqué à Jerzy que s’il se concentrait assez fort, tous les arbres repousseraient. Qu’est-ce qu’ils riaient quand ils se sont éclipsés ! Mais va savoir comment il a fait, Jerzy ? Il s’est concentré si fort et si longtemps que les racines ont crevé l’asphalte déjà toute craquelée des rues, les bisons ont jailli de la tourbe millénaire et ont défoncé les voitures de leur front cornu, la mousse s’est étalée sur les murs et les trottoirs. Et les arbres, Seigneur ! Les arbres si hauts ont poussé dans les immeubles et dans l’école, ils ont caché le soleil de leurs branches. On a perdu la ville et on a perdu Jerzy. Peut-être se concentre-t-il encore au pied du grand chêne. Jusqu’à ce que les arbres recouvrent le monde entier.

Journées mondiales de la forêt et de la trisomie 21 qui coïncident aussi avec la journée de l’école buissonnière en Pologne.

Nelly Chadour


Sous sa cloche de verre, hygrométrie, température et ensoleillement sont contrôlés. Fini les précipitations d’eau de pluie, la douce caresse du vent ou la chaleur rassurante du soleil sur ses feuilles. En ce 21 mars 2114, les humains défilent devant le dernier arbre de la dernière forêt de la planète, un chêne millénaire. C’est le jour de l’hommage, du recueillement, du pardon. Mais pour l’arbre qui a trop vécu à l’air libre pour supporter d’être ainsi mis en cage, cela est trop. Il voudrait pleurer des larmes de sève pour ses frères et sœurs anéantis par la folie des petits êtres devant ses racines mais il ne le peut. A la place, il brunit une première feuille, puis une seconde et très vite tout un lot qui tombe en pluie rousse sur le terreau pourtant parfaitement adapté à ses besoins. Le chêne se meurt, se tue, se suicide, devant les humains désemparés et honteux.

Anthony Boulanger


Extrait du rapport d’inspection S3QT/213

« La troisième planète du système SQT est indéniablement un être intelligent. Malgré la superficie réduite de ses zones corticales, elle avait développé un système neuronal complètement semblable au nôtre. Les unités neurones se développant à la surface, avec des troncs axonaux vigoureux et des surfaces multipanneaux captant de l’énergie émise par l’étoile développaient en même temps un réseau dendritique dense dans la partie supérieure du sol, où de multiples liaisons synaptiques commençaient à apparaître. La zone la plus favorable nous semblant être un véritable « cerveau », dans un des deux continents principaux de la zone sud, bien irrigué par le fleuve le plus puissant de la planète.

Indubitablement, une pensée cohérente n’aurait pas manqué de s’y développer très rapidement, permettant à cette planète intelligente d’intégrer avec bonheur la communauté galactique des forêts pensantes. Malheureusement, une maladie parasitaire non identifiée s’est attaquée à ce proto-cerveau, dont la superficie se réduit désormais de jour en jour.

Diagnostic : maintien de la quarantaine absolue pendant un autre million des cycles de S3 autour de SQT.

Pierre Gévart


Aujourd’hui à l’occasion de la fête de la Forêt, Fangorn se pare de ses plus beaux atours. C’est aussi l’effervescence chez Gepetto car Pinocchio doit justement s’y rendre afin de rencontrer son père biologique.
— Mais enfin, Pinocchio ! Tu ne vas tout de même te présenter devant Sylvebarbe aussi mal fagoté ?

Père Désœuvré


Première minute de la deuxième mi-temps : après toute une mi-temps dans les Enfers, Perséphone revient enfin sur le terrain, et l’équipe des divinités du jour reprend l’avantage sur celle des nocturnes !
21 mars : équinoxe de printemps

Sandrine Scardigli


Le jour où une imprimante 3D imprima une imprimante 3D, cela fut forte impression.

Le jour où on contrôla le climat et les gaz à effet de serre, cela ne laissa personne de bois et on rasa les forêts.

Les gouvernements mobilisèrent le peuple. Les feuilles mortes se ramassèrent à l’appel. O2 à un monde déraciné brisant ses chênes. Hêtre ou ne pas hêtre, la question était tranchée. Malgré tout, cela sentait le sapin.

Ludovic Arfi

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