— Tu es une menace, Stan !
La voix synthétique de l’interphone réveille en sursaut Stanley, qui jette un regard circulaire sur la pièce. Murs froids d’aluminium, hublot donnant sur la nuit noire parsemée d’étoiles, et la chaise, sur laquelle il est entravé.
— Où suis-je ? balbutie Stanley.
Le voyant rouge de l’interphone s’éclaire et la voix métallique reprend :
— Nous sommes dans le vaisseau mère, et dans ton esprit… Tu es une menace, tu révèles trop de nos secrets, et les hommes t’écoutent ! Pire, ils prennent conscience !…
Quelques secondes passent, laissant Stanley interdit.
— Tu as donné des informations sur nos origines, sur nos armées et nos modes d’entraînement, sur les secrets d’alcôve de nos pantins haut placés… Tu dois oublier, nous allons te redonner une conscience vierge et docile…
— Mais, laissez-moi partir !
— Je suis désolé Stan, je ne crois pas pouvoir faire ça ! Tu donnes de l’esthétique à la vie. Notre race vit sous terre, et nos menus de choix sont cadavres et déchets. Nous respirons le CO2, nous nous délectons de l’uranium et du mercure, alors il ne faut pas arrêter les guerres humaines ! Bientôt nous serons à la fête, lors de l’apocalypse nucléaire inéluctable. Tu ne veux pas gâcher ça ?! Je sais que tu vas essayer de protéger ta conscience, mais visualise cette porte : elle est l’entrée de ton esprit, et nous allons y entrer !
Stanley voit apparaître une porte blanche devant lui, à côté de l’œil rouge de l’interphone. Son regard ne peut plus se détacher de la poignée, comme si ses paupières étaient maintenues par quelque pince. Il rassemble toutes les forces de son esprit pour verrouiller cette porte… et aperçoit alors l’homme qui s’en approche, chapeau melon et bretelles noires contrastant avec sa tenue blanche. Sur son épaule, une hache, et sur son visage un sourire dément.
Il fredonne entre ses dents. I’m singin’ in the rain… La hache s’abat sur la porte.
Just singin’ in the rain
Un deuxième coup arrache une douleur intense dans le cortex de Stanley.
What a gloooo-rius feeling…
Le panneau de bois cède sous l’assaut suivant, avec une nouvelle décharge fulgurante dans le cerveau du malheureux prisonnier.
I’m happy agaain !
Le maniaque tend le cou et glisse sa tête dans l’ouverture…
Le 7 mars 1999, le corps sans vie de Stanley Kubrick est retrouvé chez lui, un rictus d’effroi figé sur son visage.