Sur la table des cartes, s’étalait un plan de la région de Meggido, au débouché des passes du mont Carmel, carrefour d’importantes pistes menant vers la côte méditerranéenne et la Mésopotamie. Un magnifique serpent de bois, sculpté dans l’ébène, marquait la position de l’armée de Pharaon. Il y avait trois routes possibles pour atteindre Megiddo depuis Yehem. La route du nord, par Ziftah, et la route du sud, par Taanakh, obligeaient l’armée à avancer en terrain découvert. En revanche, la route du milieu…
« Vous ne devriez pas passer par là, c’est suicidaire !
— Ce passage est le seul qui nous permette de les prendre par surprise, expliqua Pharaon, serrant dans son poing le serpent de bois noir.
— Mais c’est un goulet ! Nous serons sans défense ! N’est-il pas vrai qu’un cheval devra marcher derrière un autre cheval, l’armée et les soldats faisant de même ? Est-ce que notre avant-garde devra combattre alors que notre arrière-garde sera ici à Arouna et qu’elle ne pourra pas combattre ? Il existe des chemins plus larges (1)…
— Sans défense ? gronda d’une voix sourde le pharaon. Vous oubliez qui je suis ! Je suis Pharaon et j’ai bien d’autres protecteurs qu’un misérable général qui ne fait pas confiance à son maître ! »
Dans l’ombre de la tente, des ondulations semblèrent soudain confirmer les paroles du pharaon Thoutmôsis III, « le Napoléon de l’Égypte antique ». Ces mouvements s’accompagnèrent de sifflements, et d’inquiétants bruits d’écailles. La chose, les choses !, apparurent en pleine lumière et le général n’eut pas le temps de crier.
Le lendemain, l’armée de Pharaon prit par surprise ses ennemis devant Meggido où le roi de Qadesh, son adversaire, se réfugia après avoir perdu la bataille.
(1) Citation du texte d’origine, rédigé par le scribe de l’armée Tjenen, que le roi fit graver sur les parois du temple d’Amon-Rê à Karnak : un texte de 225 lignes, chacune mesurant 25 mètres de long, que les historiens appellent les Annales de Thoutmosis III.
La bataille de Megiddo, qui se déroula le 9 mai 1457 av. J.-C., opposa l’armée égyptienne commandée par Thoutmôsis III à une coalition syro-palestinienne dirigée par le roi de Qadesh.
C’est la première bataille de l’histoire dont les détails, très précis, nous soient connus.