Des forces terribles qui s’apprêtaient à faire basculer le monde dans le chaos étaient à l’œuvre ce 17 juin 1939. L’histoire s’accélère parfois sous l’impulsion de puissances occultes qui s’affrontent. Ces flux d’énergies s’amplifient et débordent sur notre plan. Ils se nourrissent en retour de la haine ou de la compassion qu’ils suscitent. Les batailles font alors rage sur divers plans de l’existence.
Eugène Weidman ne sait rien de cela. Il sait seulement que d’ici quelques minutes tout sera fini, et il suppose que c’est la raison pour laquelle il se sent bizarre. Comme s’il ressentait les émotions de la foule qui l’observe. Mais il met ça sur le compte de sa propre émotion. En effet, le « tueur au regard de velours », tel que l’ont surnommé les journaux, se dirige d’un pas traînant vers l’échafaud. Il est calme. Et il sent une force l’envahir au moment où l’on pose sa tête sur le billot. Il ferme les yeux. Il attend.
Le couperet tombe. Un frisson parcourt le public qui reste silencieux. Le bourreau prend alors la tête afin de l’exposer au public, qui la regarde avec un dégoût feint. Eugène ou plutôt ce qu’il en reste, ouvre alors les yeux :
— C’est quoi ce bordel ?
La panique de la foule est telle qu’un bataillon est envoyé pour l’arrêter. Il y aura de nombreux internements. La tête est amenée dans une section secrète du Museum d’Histoire Naturelle.
ROBESPIERRE. — Regarde Charlotte, on nous amène un nouveau.
CHARLOTTE CORDAY. — Salut toi. T’as d’beaux yeux tu sais.
Le 17 juin 1939 eut lieu en France la dernière exécution en public.