Ben ça… pas de perche ? Derrière les branches griffues et les statues de chair suppliciée, Vincent discerne vaguement des silhouettes, à l’autre bout du vallon, réalisateur, chef opé, cadreur, script et leur clique d’assistants. La caméra est donc installée là-bas. Mais pas trace de prise de son. Ts ts. Feront tout en post-synchro. Ça enlève du charme, quand même. Dommage, parce que les équipes de déco et d’éclairage ont effectué un travail superbe.
Il avance à grands pas, prenant des poses sinistres, et les mimiques expertement patibulaires qui déforment ses traits reflètent en réalité sa contrariété : déjà, il a oublié le nom du réalisateur – ces absences, ça devient fâcheux ! En sus, il ne parvient pas à se remémorer son texte. Bah. Un pro de son envergure… il improvisera.
Bien qu’il ne l’aperçoive toujours pas, il sait que la caméra ne se trouve plus qu’à quelques pieds. Il tiraille sa fine moustache, écarte d’un geste théâtral une dernière toile d’araignée. Alors, voyant enfin à quoi ressemble le groupe, devant lui, et tandis que l’horreur l’envahit, il comprend soudain qu’il ne s’agit pas d’un film, mais de la vraie vie.
Puis il se dit que le mot « vie » est peut-être un tout petit peu inadéquat.
25 octobre 1993 : mort de Vincent Price.