« O tempora, o mores ! »
Penchée sur son bureau, la jeune fille souffle comme un bœuf sous la charrue ; elle farfouille dans son gros dictionnaire, réfléchit un peu puis note sur sa feuille de version : « Oh temporel, oh morue ! ». Sans qu’elle s’en aperçoive, un flottement se produit dans son dos, une perturbation de l’air ambiant.
« Senatus haec intelligit. »
La jeune fille cligne des yeux et tord la bouche. Cela lui donne un drôle de profil, que son acné très développée n’arrange pas. Elle feuillette son dictionnaire et traduit : « Senatus est intelligent ». Derrière elle, une forme fantomatique se dessine. Des épaules, un visage, un corps vêtu d’une toge…
« Consul videt. »
L’adolescente se gratte la tête, quelques pellicules tombent sur la table. Elle écrit : « Le consul vide ». Le visage du spectre se précise, il semble fâché, et même furieux : ses traits sont déformés par la colère.
« Hic tamen vivit. »
Soufflant de plus en plus fort, la jeune fille voit qu’il lui reste encore cinq lignes. Elle jette un œil à son réveil… son émission préférée commence dans vingt minutes. Alors, elle note à la va-vite : « Hic. Le tamanoir vit. » Elle n’a pas le temps de comprendre ce qu’il lui arrive quand soudain, des mains glacées se referment sur son cou. Elle suffoque, se débat à peine tant la mort vient vite.
« Bordel, s’exclame Cicéron, ça faisait presque 2000 ans que j’en avais envie ! Saletés de gamins incultes ! »
8 novembre 63 : Cicéron prononce devant le Sénat la première de ses Catilinaires.
(Texte traduit : deuxième paragraphe : « Ô temps ! Ô mœurs ! Le sénat connaît tous ces complots, le consul les voit ; et Catilina vit encore. »)