« Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix.
Dieu de Jésus Christ.
Deum meum et Deum mestrum
“Votre Dieu sera mon Dieu”
Oubli du monde et de tout, hormis Dieu… »
D’une main fébrile, Pascal alignait des mots qu’il n’aurait jamais cru écrire, lui le libertin, le beau-parleur, l’indécrottable scientifique. Il livrait son âme à Dieu dans les profondeurs de la nuit, encore terrifié par les événements survenus deux semaines auparavant. Terrifié mais vivant, après une longue inconscience. Du pont de Neuilly, les eaux noires de la Seine avaient englouti ses chevaux, épargnant sa voiture comme par miracle. Abasourdi d’avoir survécu, son corps avait lâché, il s’était évanoui. Dieu l’avait sauvé, lui offrant sa miséricorde. Au cœur de son délire, Pascal avait senti Jésus l’attirer dans des bras poisseux, dégouttant sans doute du sang de la Croix… À lui maintenant de lui rendre son amour afin de ne plus jamais revivre pareille peur.
Dès que l’homme de science commença à noircir son papier de fariboles chrétiennes, le gros poulpe coupa net le contact télépathique. Dire qu’il avait bercé ce sale ingrat de ses cauchemars les plus humides ! Dépité, le monstre en libéra le poisson-chat qu’il triturait de ses tentacules. Ce Pascal semblait pourtant parfait pour répandre le culte de l’atroce et maléfique Cthulhu. Remonter de l’Atlantique à la Seine, trouver le candidat idéal, tout ça pour se retrouver le bec dans l’eau… Enfin, ce n’était pas le moment de faire des jeux de mots débiles. Il ferait mieux de penser aux excuses qu’il servirait à son maître pour expliquer le ratage de sa mission. Celui-ci attendait sa renaissance depuis une paire de millénaires, il n’apprécierait pas de se faire souffler un adepte aussi prometteur – un potentiel prophète ! – par une divinité maigrichonne clouée sur deux pieux de bois. Franchement, qui pourrait un jour se vanter de clouer les innombrables tentacules de Cthulhu sur une planche ?
La créature s’ébranla doucement, peu pressée de recevoir une baston courroucée de la part de son maître aux mille bras cinglants. Allons, tout n’était pas perdu. Au moins, avec les chevaux de l’humain, elle avait fait un bon repas.