Décembre 2010, dans un bureau secret, quelque part dans Barcelone.
— Nous sommes encore en train de fêter la consécration de la Sagrada, et vous venez jouer les oiseaux de mauvais augure. Qu’avez-vous donc découvert, avec votre supercalculateur ?
Le terme avait été craché sur un ton péjoratif par l’archevêque de Barcelone, en charge de l’administration de la fondation gérant la construction de la cathédrale. Mais le jeune ingénieur ne s’en offusqua pas, il en avait l’habitude : le vieil ecclésiastique restait réfractaire aux avancées technologiques.
— Monseigneur, vous savez qu’à sa mort Gaudí a laissé une somme considérable de documents qui sont longtemps demeurés indéchiffrables. Cela a d’ailleurs conduit à des catastrophes quand d’autres architectes ont dû terminer ses travaux inachevés…
— Venez-en au fait, je vous prie.
— Mon département est chargé du décryptage et de la modélisation d’une partie du fonds légué par Gaudí. Et nous avons fait une découverte monumentale concernant la Sagrada.
— Je vous en prie, cessez vos effets d’annonce !
— Les plans de construction sont fractals.
— Je vous demande pardon ? Fract… quoi ?
Le jeune ingénieur soupira.
— La Sagrada ne sera jamais terminée. À chaque ajout sur le bâtiment, le plan se modifie subtilement pour croître lui aussi.
— C’est diablerie ! Oh, non, attendez… C’est génial, au contraire ! N’en soufflez mot, les touristes non plus ne cesseront de venir. Ah, Gaudí ! Sacré mécréant !

10 juin 1926 : décès d’Antoni Gaudí, architecte espagnol.