« Je ne suis pas prêt. »
Je porte un nom anglais, Campbell, il n’y a pas plus anglais que ça. Aujourd’hui je suis enfin élu, j’entre encore un peu plus dans ma carrière politique, tel le bon citoyen anglais, bien élevé, que je suis.
D’un œil je vois le crucifix au-dessus de mon bureau, de l’autre je vois ce portrait de ma grand-mère, près de la fenêtre. Et par-delà, loin derrière les constructions et les plantations, les reflets verts de la forêt.
Que vont-ils dire au Parlement ? Ils pointeront du doigt mes cheveux noirs et ma peau de glaise. Ils se méfieront sans doute. Ils moqueront comme leurs fils ont moqué l’enfant que j’étais. Mais eux ne sont que locataires de cette terre. Moi j’y porte l’héritage de mes ancêtres et celui plus lourd encore de mes enfants.
« Arawak. »
Le 10 septembre 1957, Joseph Campbell, amérindien arawak, fut le premier natif à être élu au parlement de Guyana. Cette élection devint une fête nationale. Il mourut deux jours avant l’indépendance de la Guyane britannique.