Votre embarcation n’est pas ordinaire, je n’ai jamais navigué sur un canot comme celui-ci !
— C’est une barque que j’ai fabriquée moi-même au fil des années, avec du bois de récupération, vous savez, des reste d’épaves…
— Je suis assis sur un couvercle de cercueil, là ?
— Il semble bien, oui !
— Je ne suis pas superstitieux, mais c’est assez oppressant, peut-on faire demi-tour ?
— Ce n’est pas dans mes habitudes, et la traversée n’a été payée que pour un aller simple !
— Mais la rive en face n’est pas très accueillante, il y a même… Quelle est cette bête ?
— Ce n’est que mon chien albinos, il s’amuse à faire le dos rond au bord de l’eau !
— Une bosse, comme une colline neigeuse…
— C’est joli comme comparaison pour parler d’un animal ! Vous faites quoi dans la vie, poète ? Écrivain ?
— Oh, j’ai écrit, il fut un temps… C’est du passé, malheureusement… Mais nous ne nous sommes pas présentés, monsieur…?
— J’ai beaucoup de noms : Caron, le nocher, le passeur, mais appelez moi Ishmaël ! »
28 septembre 1891 : Hermann Melville fait un dernier voyage en barque pour traverser le Styx, dans l’anonymat.