Tlatelolco, Mexique.
La foule est nombreuse, étudiante dans sa majorité. Les slogans criés à tue-tête me grisent. L’énergie qui se dégage de la manifestation pacifique est formidable.
Alors que l’on avance lentement vers la Plaza de las Tres Culturas, des cris retentissent. Des militaires arrivent par centaines, baïonnette au clair. Ils sont terrifiants. Tout le monde se serre les coudes. Une étudiante m’adresse un regard effrayé. Je lui souris, et lui dis que tout va bien. Elle est mignonne. Erika. Très enchanté de faire ta connaissance.
La marche reprend aussitôt, décidée à ne pas se laisser intimider. Erika me parle des changements nécessaires, du mouvement de libération qui soulève le pays. Ses yeux brillent et je bois ses paroles, incapable de détacher le regard de sa jolie bouche.
Un hélicoptère nous survole, puis lance plusieurs fusées éclairantes sur nous. Il y a un mouvement de foule pour s’en éloigner, mais on fait aussitôt bloc. Nous ne nous laisserons…
Un coup de feu. Suivi par de nombreux autres. Je tourne la tête, mais ne vois rien. Qui tire ? Et sur qui ? La panique. Les cris. De peur. De douleur. Tout le monde se met à courir. Je traîne Erika derrière moi. Il faut suivre le mouvement pour ne pas se faire… On me bouscule. La main d’Erika m’échappe et je me retourne aussitôt pour l’aider. Elle est couchée par terre. Je lui hurle de se relever. Mais elle ne me répond pas. Les coups de feu. Encore. Et encore. Je trébuche, tombe à genoux. Je hurle. Mais elle ne bouge plus.
2 octobre 1968 : second massacre de Tlatelolco.