Dans la nuit fraîche qui baigne le calme sommeil des padoviens, l’homme seul, chaudement habillé, a l’œil rivé contre un étrange cylindre de cuivre pointé vers le firmament. Le ciel nocturne est dégagé de tous nuages et la soie noire est parsemée de milliards de minuscules joyaux scintillants. L’homme marmonne parfois, créant devant son visage un éphémère nuage de brume qui se cristallise rapidement en perles de glace dans sa barbe rousse. De temps en temps, il baisse les yeux sur un carnet dans lequel il note fébrilement quelques lignes ou quelques schémas à la lumière d’une bougie étouffée par un drap ciré pour ne pas gêner ses observations.
Soudain, il s’agite. Il se frotte les yeux pour y chasser la fatigue, il passe un chiffon sur le verre de la lunette, il ajuste sa visée, puis il reprend sa veille durant de longues minutes. Perclu de courbatures, il s’écarte à nouveau, maugréant quelques joyeuses imprécations :
— Fichtre, mais le dieu des dieux, de la Terre et du ciel possède donc un aréopage ? Combien sont-elles, ces petites folies qui le suivent dans sa course céleste ? Deux… Trois… Non, quatre ! Hahaha, c’est merveilleux.
Et l’homme mûr, debout à l’heure où tout citoyen honnête prend le repos mérité à sa vie de labeur, entreprend sur le toit de l’université de Padoue une gigue des plus folles pour fêter une découverte qu’il sait être capitale.
Jupiter, le dieu romain, danse une ronde infinie en compagnie des petites étoiles Médicées.
7 janvier 1610 : le savant italien Galilée observe pour la première fois des petits astres autour de Jupiter. Après trois semaines d’observation il comprend qu’il s’agit de satellites accompagnant la planète.