Cela faisait des jours, et surtout bien des nuits d’angoisse, que Bérold voyait impuissant sa maîtresse lui échapper. Il la sentait s’éloigner, elle ne le regardait plus, l’ignorant superbement sans qu’il ne puisse rien dire, rien faire pour la rapprocher de lui. Elle câlinait ce vassal, bellâtre venu du Sud, avec ses mains d’oisif qui n’a jamais tenu l’épée sur un champ de bataille. Elle lui réservait ces œillades dont elle s’était servie auparavant pour le faire succomber. Sans vergogne, après avoir trompé l’empereur avec le neveu de celui-ci, voilà qu’elle l’abandonnait pour un obscur rival sans autre atout que sa belle barbe. Bérold enrageait, il bouillait puis se glaçait d’amertume avant de sentir de nouveau la colère l’envahir, dans un orage d’émotions sans pareil. Il ne pouvait rien dire, rien dénoncer, de peur qu’elle ne révèle à son tour qu’il avait lui-même fait pousser des cornes à son oncle l’empereur. Othon ne voyait ni n’entendait oncques…
Alors, quand l’occasion se présenta soudain de laisser libre cours à sa vengeance, Bérold s’en saisit avec hargne. Othon, en visite dans les belles villes du Rhin, le manda pour aller chercher des reliques dans la chambre impériale. Arrivé au palais, après une nuit de chevauchée enragée, son neveu trouva la belle impératrice au lit avec l’infâme traître et sans plus attendre, il leur trancha la gorge à tous deux, d’un même geste, avec sa grande épée. Puis il s’effondra dans le sang des amants en pleurs amers et brûlants. Il pressait déjà contre son propre sein la lame qui avait tué son amour adultère quand un bruit, un faible cri l’arracha à son funeste projet. Un bébé… Deux bébés. Son fils et sa fille, des jumeaux d’à peine quelques mois.
Dans la nuit noire, Bérold s’enfuit, le petit Humbert et la petite Hermengarde enveloppés dans son manteau pour de longues années d’exil. C’est à Humbert en fin de compte que l’empereur Othon pardonna, bien des années plus tard, quand il vit dans ses beaux yeux l’éclat des pupilles de sa femme assassinée.
24 avril 1011 : Rodolphe III, roi de Bourgogne, fait une donation importante, en faveur de son épouse Hermengarde de Savoie, de terres qui reviendront finalement au futur comte de Savoie Humbert Ier aux Blanches Mains (980-1048), probable frère de la reine.