«…Remercions encore monsieur McLean pour son brillant exposé sur la pratique de l’haruspice au Nord de l’Écosse. Les membres du Conseil de l’Occulte sont toujours friands de nouvelles connaissances dans les arts divinatoires. Nous dégusterons également avec grand plaisir ce haggis qu’il nous a apporté pour le dîner… Mais je vais donner la parole au prochain intervenant, inventeur de son état, qui souhaite nous faire part d’un outil moderne pour la communication avec l’au-delà. C’est à vous, professeur.»
Le Président du Conseil de l’occulte descend de l’estrade pendant que le nouveau venu sort de son sac une planche de bois gravée, avant de prendre la parole.
«Bonjour, je suis venu présenter au Conseil le fruit de mes recherches pour améliorer la compréhension des messages lors des séances de spiritisme. Vous conviendrez que la parole des revenants dépend beaucoup de la concentration du médium, et peut être altérée par de nombreux facteurs. J’ai donc conçu cette planche à placer sur un guéridon. Vous pouvez y voir les chiffres, l’alphabet ainsi qu’une case « oui » et une case « non », pour faciliter les échanges. J’ai présenté sous les lettres un code simple que l’esprit peut frapper pour épeler sa réponse, par exemple un coup bref pour le « e », deux pour le « i », un coup plus sonore pour le « t », et cætera. Je vais faire circuler la planche parmi vous pour que vous puissiez mieux appréhender le système…»
Un brouhaha traverse l’assemblée, certains curieux s’apprêtent à poser des questions mais un mage se lève et réclame le silence.
«Vous voulez imposer à un esprit de coder ses réponses pour les rendre intelligibles par tous, c’est paradoxal ! Et c’est une menace pour le métier de médium, si chacun peut prétendre être spirite ! Je vous rappelle que je peux voir l’avenir et il n’y en a aucun pour vous ni votre invention dans le monde du spiritisme. Personne n’utilisera jamais une planche de bois pour communiquer avec les morts, ou je ne m’appelle plus Georges Kennard ! Et maintenant, je vous prie de quitter notre assemblée, monsieur Morse !»
Le 20 juin 1840, Samuel Morse est chassé de l’Assemblée de l’Occulte et ne développera ni le code morse ni la planche Ouija.