La tête rentrée dans les épaules, les cuisses serrées sur le manche, la sorcière naviguait du mieux qu’elle le pouvait entre les nuages qui peuplaient le chemin entre Calais et Douvres. Les conditions de vol n’étaient pas très agréables, mais jamais elle ne se serait plainte : naviguer était bien pire. Et puis, la possession du ciel était un plaisant sentiment. Il n’y avait guère que les sorcières et leurs balais pour faire concurrence aux oiseaux.
Un drôle de bruit attira son attention, de moteur. Comme une voiture, mais dans les airs. Avant qu’elle ait eu le temps de se retourner pour voir de quoi il retournait, le balai de la sorcière fut bousculée par le passage d’un engin de métal, porté par des ailes plates avec une hélice grossière en guise de nez.
La sorcière en manqua tomber de son balai. Quand elle se rétablit enfin, l’engin de malheur était loin, son pilote inconscient du drame qu’il avait failli créer.
Alors comme ça, les hommes avaient réussi à conquérir le ciel ? La sorcière ne put retenir une larme de tristesse. Le ciel n’appartenait plus aux siennes.
25 juillet 1909 : première traversée de la Manche en avion, de Calais à Douvres, par Louis Blériot