« — J’ai fait un drôle de rêve, dis donc…
— Ah… Vas y, raconte…
— Alors, c’est un cheval qui galope. Il y a un homme dessus avec un enfant dans les bras. C’est la nuit, dans une forêt qu’on devine à peine entre de longues nappes de brume…
— Et ?…
— Une voix d’outre-tombe appelle l’enfant… un peu comme des sirènes qui tenteraient de séduire un marin perdu.
— Ouais, je vois… l’homme essaie de rassurer l’enfant, et à la fin, il se rend compte qu’il est mort…
— Ben oui… Comment tu sais ?
— C’est un poème de Goethe : “Le Roi des Aulnes”. Tu as dû l’entendre quelque part et il t’a marquée… plus ou moins consciemment…
— Alors là je suis franchement impressionnée…
— Ça veut dire quoi ? Tu me prends pour un âne ?
— Mais non ! Ne t’emballe pas !… mon bel étalon… Et la suite ? Il l’a aussi racontée ton Gueute ?
— Quelle suite ?
— Ah ah !!! Tu l’avais pas ça ! Hein ?!
— C’est bon ! Arrête ton char ! Vas-y !
— OK ! Donc l’enfant est mort mais on entend cette fois la belle voix intense et vibrante d’un type qui dit qu’il fait un rêve…
— Une mise en abyme…
— Pardon ?
— Rien. Laisse tomber. Continue…
— Et bien dans son rêve à lui, il y a aussi des enfants, de toutes les couleurs, qui se donnent la main, et dans la ronde on retrouve le petit mort de tout à l’heure… mais bien vivant cette fois.
— Et c’est fini ?
— Presque… Le cheval devient toi, mon fier destrier, et tu m’emportes dans une espèce d’éden, et tous les enfants de la ronde vivent heureux et en paix, et…
— Alors là, je t’arrête tout de suite ma belle… Là, tu rêves vraiment !
— T’es pas gentil !
— MOI ?! Tiens, regarde, tu les vois les gosses angéliques de ton paradis là qui descendent du bus pour faire du dada ? Eux, ils sont casse-pieds ! À tel point que les individus de cette espèce n’arrivent qu’à grand peine à supporter ne serait-ce que leur voisin… et quelle qu’en soit la couleur d’ailleurs… Et en plus, la majorité bouffe des cadavres d’animaux morts…
— Pléonasme ! Tu vois ! Moi aussi je peux le faire !
— Mouais… Maintenant mange ton avoine et profil bas… Avec un peu de chance, ils ne nous choisiront pas… »
Le 28 août 1749 : Naissance de Goethe.
Le 28 août 1963 : “I have a dream”, célébrissime discours de Martin Luther King.