Le vieux chevalier stoppe sa monture et prend quelques secondes pour se repérer. Vingt années de campagnes et de guerres ne l’ont point perdu, il ne s’égarera pas aujourd’hui alors qu’il rentre dans ses terres.
Il retire son casque de route et allonge les rênes pour que son cheval puisse paître. La petite troupe qui l’escorte lambine, quelques toises en arrière. Plus question de discipline rigoureuse, le temps est à la détente. Plus que quelques heures et il profitera des siens, de ses gens, de la chasse et des banquets. Pour le reste de l’automne et l’hiver en son entier.

Il faudrait certes repartir au printemps, guerroyer contre les envahisseurs, les voisins gourmands ou les seigneurs félons mais quelques mois de tranquillité ne se refusent pas.
Se pourrait-il qu’un jour on ne parle plus de rapines, de raids, de successions ou de territoires ? Que tous les hommes et femmes de l’Occident parlent la même langue et soient sous le même commandement ?
Il rit à cette idée, replace son casque et serre les cuisses contre les flancs du destrier.
Il rit encore quand son page vient à hauteur.
— Vous riez mon seigneur, puis-je savoir pourquoi ?
— Je me demandais si un jour nous serions tous en paix ici-bas. Tous sous le même drapeau. Des « Européens » en quelque sorte.
— « Européens ? Ce n’est pas demain la veille ! »

Le 23 janvier 1002, le jeune empereur Othon III meurt à l’âge de 19 ans. Il caressait l’idée d’une Europe unie. Ce rêve mettra de nombreuses années à être mis en œuvre.