La Reine étouffa un bâillement et se tourna vers le Roi Philippe IV :
— Combien de temps faudra-t-il encore poser ? Je m’ennuie à mourir.
Le souverain considéra sa longue figure solennelle, qui se reflétait dans le miroir accroché au mur d’en face.
— En effet, cette séance manque de divertissements !
José Nieto, chambellan de la Reine, saisit cet ordre implicite et se dirigea vers la porte d’un pas pressé.
Il revint bientôt en compagnie de l’Infante Marguerite-Thérèse, elle-même escortée par sa petite troupe de serviteurs. Tandis que la naine Maribarbola ordonnait au chien de se coucher, un enfant italien le taquina du pied. Les deux dames de compagnie firent gracieusement la révérence, et l’une d’entre elle présenta une cruche rouge en terre de bocaro à sa jeune Maîtresse.
— Quand je serai grande, j’en mangerai pour devenir aussi pâle que les dames de la cour, affirma cette dernière.
— Certainement pas ! protesta la Reine.
Au milieu de ce charivari, le chaperon et le garde du corps de la Princesse considéraient l’artiste au travail avec stupéfaction.
— Mais, que peint-il exactement ?
— Tout le monde, en vérité… Sauf leurs Majestés !
Diego Rodríguez de Silva y Velázquez (baptisé à Séville le 6 juin 1599 – mort à Madrid le 6 août 1660), est un peintre baroque considéré comme l’un des principaux représentants de la peinture espagnole. Les Ménines est son portrait le plus célèbre grâce à sa composition complexe et énigmatique.