— Purée, grouille ! On va être en retard !
Maglore sur les talons, Arsile courrait à perdre haleine, les jupons relevés en dépit de toute considération d’élégance. Les deux fées déboulèrent du plan éthérique au monde réel à bout de souffle. Reprenant leur respiration, elles mirent quelques secondes avant de se rendre compte que la chambre où reposait le nouveau-né dont elles devaient s’occuper n’était pas vide, bien au contraire.
En cercle autour du berceau se tenaient sept personnages étranges ; pâles, vêtus de noir, ils étaient très disparates, tant en âges qu’en aspects.
— C’est quoi ce bordel, s’exclama Maglore. C’est la réunion des goths du quartier ?
Les intrus dévisageaient les deux fées sans réagir. Certains semblaient perplexes, d’autres profondément ennuyés ou simplement pas concernés.
Arsile se méfiait d’eux, mais Maglore qui n’aimait pas qu’on lui marche sur les pieds s’approcha du groupe. Elle posa la main sur l’épaule d’un grand bellâtre dégingandé en disant :
– Bon, allez, Lestat, tu bouges, on a du taff, nous…
Elle voulut l’écarter, mais ce fut comme si elle avait essayé de déplacer un mur de briques.
L’étrange personnage ouvrit la bouche, et Maglore se mit à trembler. La voix était glaciale, autant physiquement que mentalement, comme si on lui avait versé une bassine d’eau glacée, mais que celle-ci ruisselait à la fois sur et sous sa peau.
— Non, fée. Celui-ci est particulier. Laisse-le-nous.
Ça n’était pas une question, mais une constatation impérative.
Maglore recula, toute frissonnante, près de sa collègue. Celle-ci lui chuchota :
– On fait quoi, du coup ?
– T’as entendu le monsieur ? On se casse…
Et, sans demander leur reste, les deux marraines-fées s’éclipsèrent dans le plan éthérique.
10 novembre 1960 : naissance de Neil Gaiman, écrivain et scénariste britannique.