À la nuit, les guerriers de l’Ariki vinrent nous chercher dans la Petite Maison Noire. Mes hommes et moi défilâmes devant d’énormes moaï, dont les yeux sans âge nous emplirent d’angoisse, puis on nous poussa sur un autel orné de milliers d’œufs, où attendait un géant à tête de mouette.

À la lueur des torches, nous crûmes d’abord à un masque. Une fois tout près, nous constatâmes, effarés, que l’énorme tête était vivante. Son bec cruel claquait d’impatience. Dans la psalmodie des prêtres revenait le mot « Maké-Maké » – le nom de cet être… leur dieu. On nous mit à genoux, les servants brandirent leurs lames d’obsidienne.

Le bosco, Jan de Vries, eut soudain l’idée de tirer de sa poche une boîte à musique en forme d’œuf, offerte avant le départ par sa fiancée. Il remonta le mécanisme. La mélodie s’éleva ; dieu, prêtres et guerriers furent frappés de stupeur.
On nous libéra. Reprenant la mer à la hâte, nous décidâmes de taire ce que nous avions vu.

Qui, en effet, nous eût cru ?

5 avril 1722 : le Hollandais Jakob Roggeveen, ayant découvert ce dimanche de Pâques-là une île appelée « Haumaka » par ses 3 000 habitants, la renomme « Paaseiland » (« Île de Pâques »).