Will ouvrit les yeux et se trouva nez à nez avec un vieillard barbu tout de blanc vêtu.

— Vous êtes Saint-Pierre ?

Le vieil homme éclata d’un grand rire bienveillant. Will complètement désorienté opta ensuite pour le père Noël. Le sol bougeait sous lui. Il se redressa et découvrit qu’il était sur un lit de coussins et, au-dessus de sa tête, des voiles, d’un blanc étincelant, se gonflaient sous un vent propice.
Un bateau.

— Veuillez m’excusez, cher monsieur, mais où suis-je ? Je croyais que j’étais en train de mourir en Floride.

— Vous étiez bien en train de mourir, et vous effectuez maintenant votre dernier voyage vers Valinor, les Terres Immortelles. Je tenais à vous accueillir personnellement, Mr Eisner. Les aventures du Spirit ont été pour moi un enchantement et je voulais vous remercier pour ces merveilleux moments de distraction. Cela me reposait de toutes ces quêtes magiques et de ces orques à combattre.

— Oh, mais je vous en prie !

3 janvier 2005, mort de Will Eisner, dessinateur préféré de Gandalf le Blanc.

Nelly Chadour

3 janvier 1892 : naissance d’un certain J.R.R. Tolkien. L’enfant Tolkien se montre très vite d’une rationalité à toute épreuve. Il faudra attendre sa rencontre avec son premier précepteur William Elvis H. Daeron pour que des brins d’imagination effleurent ses pensées et qu’il commence à écrire des poèmes inspirés des mythologies celtiques, germaniques et scandinaves, puis qu’il se lance, toujours sous la conduite de cet homme aux traits qui ne vieillissent pas, sur une des plus grandes sagas littéraires de son siècle.

Anthony Boulanger

Les hommes sont allongés dans la tranchée, maculés de boue, trempés jusqu’aux os. Les bombardements incessants les assourdissent, la peur leur tord les entrailles. John ose soulever son casque pour se gratter.

— Saletés de poux.

À côté de lui, un soldat le regarde, interloqué :

— T’as pas peur de quitter ton casque ?

— Si on doit s’en prendre une, elle attendra pas qu’on soit casqué.

John remet son casque et peste en silence contre les petits parasites. La tempête de feu continue, censée décourager l’ennemi et préparer le terrain. John pense à sa jeune femme. Il aimerait se faire tout petit, disparaître, s’envoler pour la rejoindre.

Enfin, une accalmie. Avec un soupir de soulagement, John ôte une nouvelle fois son casque. Une petite caresse toute douce lui chatouille l’oreille.

— Oh, mon papillon ! Qu’est-ce que tu fais là ? lui dit John.

L’insecte lui murmure :

— Ents…

— Des Ents ici ?

— Morts…

— Ah ça, je veux bien le croire, déplore John en constatant le paysage désolé autour de lui.

— Raconte…, soupire le papillon avant de tomber, immobile, dans la boue.

Les larmes aux yeux, John ramasse délicatement le messager qui l’accompagnait depuis sa rencontre avec le magicien gris au moulin de Sarehole, il y a bien longtemps. S’il s’en sort, il racontera le combat des Ents et l’horreur de la guerre des machines.

Sandrine Scardigli

— Vous vouliez me voir ?

Le vieux barbu brandit un paquet de feuille

— C’est quoi ça ?

— Ben, c’est ce que vous m’aviez demandé : un premier jet. Je dois encore étoffer un peu tout ça.

— Etoffé ? Vous avez pondu 10 pages ! 10 pages pour une saga en trois volumes.

— Ben, c’est que je manque un peu d’inspiration.

— Vous avez accès à toutes nos archives secrètes et vous manquez d’inspiration ? Vous croyez qu’Esope, Chrétien de Troyes, les frères Grimm, Charles Perrault, T.H. White ont manqué d’inspiration, eux ?

— Mais tout n’est pas à jeter quand même ? J’ai quand même trouvé les noms des personnages principaux.

Le nain prit la parole :

— Les noms ? Le Grand Alf ? Dildo le Hobbit ? Je vous rappelle que le livre doit être accessible à la jeunesse.

— Oui, je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête. Si on change en Bilbo Hoquet, c’est mieux non ?

— Mais taisez-vous donc ! (soupir). Et le nom du royaume : la Région Centre ! Vous trouvez que ça fait rêver ça, la Région Centre ?

L’elfe jusqu’alors silencieux prit alors la parole :

— assez perdu de temps. Vous n’avez pas honoré votre part du contrat. Gardes ! Emmenez-le et procédez à l’oblitération de sa mémoire.
*
— Mince, c’est un cas celui-ci. Je ne me souviens pas de pareille feignasse depuis La Fontaine, dit le Loup.

— Bon, nous devons avancer, reprit l’elfe. Depuis, la révolution industrielle, ce sont les sciences qui émerveillent les humains, si nous ne voulons pas sombrer dans l’oubli nous devons frapper un grand coup. Nous avons encore quelqu’un en réserve ?

— J’ai là un certain Tolkien, dit le vieux barbu

— Espérons que ce soit le bon.

Père Désœuvré (inspiré par Fables de Bill Willingham)

— Vous m’assurez que ça va marcher ?

— C’est dans la poche, ne vous inquiétez pas. Je suis un professionnel. C’est moi qui me suis occupé de l’inventeur de la roue, ainsi que de l’architecte des pyramides.

Les deux hommes se faisaient face, entre eux les reliefs d’un repas. Le plus jeune s’était contenté d’une salade, l’autre s’était littéralement goinfré. Le jeune homme, âgé d’une vingtaine d’année regardait une liasse de papiers posée devant lui. Il demanda :

— Ce que je veux dire, c’est que je n’ai aucune connaissance dans ces domaines, l’électronique, le design, le commerce…

— Te bile pas, pt’it gars, rétorqua l’énorme personnage engoncé dans son costume italien. La maison se charge de tout. Tu peux leur proposer ce que tu voudras, ils se jetteront dessus comme du pain béni.

Rouge d’asphyxie, le bedonnant bonhomme explosa de rire. Après avoir retrouvé son souffle, il reprit :

— Tu pourrais même proposer la même babiole d’année en année que ça se vendra tout pareil, au prix que tu voudras. Alors, tu signes ?

Le jeune homme hésita encore un peu, puis apposa son paraphe en bas de la dernière page : Steven Paul Jobs.

— T’as un nom en tête pour ta boutique ?

Ils furent interrompus par une serveuse qui vint leur demander s’ils désiraient un dessert. Le jeune homme lui répondit :

— Je me contenterai d’une pomme.

3 janvier 1977 : création de la société Apple.
Vincent Corlaix