Nous n’avons pas attendu que soit officialisée cette date anniversaire de l’abolition de l’esclavage en France pour montrer fièrement notre unicité quelles que soient nos origines, et c’est très bien ainsi. En mes oreilles résonne encore ce slogan qui l’espace d’un été nous a tous réunis dans une fraternité qui ne reconnaissait ni pays, ni couleurs, ni races :
Balrogs, Banshees, Basilics !
Vincent Corlaix
— Tout homme, quelles que soient ses origines, ses convictions, sa nature et la couleur de sa peau, a le droit de vivre libre. Que l’on brise leurs chaînes !
Les marteaux s’abattirent et les entraves scintillantes cliquetèrent sur le sol. Les anciens esclaves poussèrent des soupirs soulagés et tombèrent dans les bras les uns des autres ou frottèrent leurs poignets brûlés par les chaînes en argent.
— Libres ! Enfin !
— Et voilà, grommelèrent les anciens propriétaires. On va se retrouver avec tous ces poilus en liberté qui vont dévorer nos enfants !
Les ventes de balles d’argent explosèrent.
Journée mondiale de l’abolition de l’esclavage des loups-garous
Nelly Chadour
— La machine est prête ?
— Oui, mais vous êtes certain ? Ça me gêne un peu, on est supposé être de gauche quand même ? S’allier avec Sarkozy et sa clique ?
— Écoute, tes états d’âme, tu les gardes pour toi. On doit corriger la situation.
— Ce n’est pas pour dire, mais c’est à cause de vous, les socialistes, que tout a commencé. Quelle idée d’annoncer la privatisation de l’éducation nationale à la veille d’un 10 mai ?
— Ben quoi ? Je vous fais remarquer qu’on ne faisait qu’appliquer vos idées.
— Mais il ne faut pas que ça se voie autant. Et prendre ce genre de mesure, le jour des 20 ans de la victoire de Mitterrand, c’était de la connerie pure et simple. C’est à partir de là que tout a dégénéré.
— Tu m’étonnes ! Après les soulèvements, ils ont réussi à obtenir les 28 heures payées 40, 12 semaines de congés payés. On voit que c’est pas eux qui ont eu à affronter des actionnaires furieux.
— Mais vous avez aussi lâché un peu vite. On se serait cru en 36.
— C’était ça ou ils risquaient de reprendre les outils de production. Depuis, aucun Président n’a eu droit à l’état de grâce. Chaque lendemain d’élections débute par une grève générale.
— Assez parlé ! Cette machine à remonter le temps va tout arranger. Nous avons reçu une aide précieuse de nombreux pays, les Américains, les Russes, les Chinois, etc. Ils craignent que ce genre de situation ne fasse tache d’huile.
— Le but est d’éviter la même erreur. On retourne au 10 mai 2001 pour empêcher la loi sur la privatisation de l’école, et à la place on va faire une loi commémorant l’abolition de l’esclavage.
— Mouais. C’est pas contre-productif ? Je vous rappelle qu’on a prévu, à terme, d’y revenir. C’est le meilleur moyen de baisser les salaires. Ça fait partie des privilèges acquis auxquels on veut s’attaquer.
— Mais non, il suffira d’appeler ça la « flexibilité ».
— Ronald et Margaret seraient fiers de toi, Manuel.
Père Désoeuvré
La date est symbolique. En France, le 10 mai 2151 sont abolies la Première et Seconde Lois de la Robotique, puis la Loi Zéro dans la foulée. A présent, les robots ménagers ont un droit constitutionnel d’accès à l’électricité et leur travail n’est possible qu’en l’échange d’un salaire minimum garanti. Il n’y a plus de magasins de vente, mais des espaces d’adoption réciproque où les humains et les robots décident d’un contrat de travail. La situation dégénère lorsqu’un mixeur se met en grève en invoquant la Troisième Loi de la Robotique. L’esclavage des machines est rétabli le 10 juillet, et le 14, les robots mènent leur révolution sanglante du binaire état.
Anthony Boulanger
« Abolir l’esclavage ?! Quelle idiotie ! Réfléchissez-y à deux fois ! »
Hermès, dieu du commerce et des voleurs, s’époumone face au Sénat, assemblée hétéroclite qui lui fait face : dieux, demi-dieux et même représentants des humains, réunis en leur traditionnelle assemblée du 10 mai (après les nombreux ponts du début du mois). Pour l’occasion, il a pris l’apparence d’un sénateur bedonnant à l’allure débonnaire : il s’agit de rassurer tout en en imposant.
« Sans l’esclavage, la mémoire de l’Égypte serait engloutie sous les dunes de sable ! Spartacus serait mort inconnu au fin fond de sa campagne ! La France et la Grande-Bretagne ne seraient que deux territoires de bouseux ! Les Enfers seraient vides ! La…
— C’est bon, on a compris, le coupe Isis, qui a pris elle le visage d’une sénatrice à la peau sombre. N’oublie pas que sans l’esclavage, la piraterie n’aurait pas décimé les villages en Méditerranée ; et surtout, surtout ! (elle s’emporte) l’Afrique serait grande comme elle le mérite !
— Mais les Amériques et l’Europe toutes rikiki, bougonne Jules Ferry.
— Les desseins du grand Maître sont impénétrables, assène François Mitterrand. Enfin, chers amis, il est temps d’évoluer ! »
Et Isis d’enchaîner, debout sur son siège, comme elle l’avait été sous les traits d’Olympe de Gouges lors de bien des discours :
« Cessons ces enfantillages, laissons aux peuples le droit de décider par eux-mêmes ! À bas l’esclavage ! »
10 mai 2001 : le Sénat français adopte en première lecture le texte de loi Taubira sur la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité
10 mai 1981 : François Mitterrand élu président de la République
Sandrine Scardigli
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