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mardi 23 avril 2024

13 octobre

« Au décollage, Jorge Globo avait l’air nauséeux, on a tout d’abord attribué cela au mal des transports, mais peut-être couvait-il quelque chose de plus grave ? Au cours du vol, il s’est levé pour se dégourdir les jambes jusqu’au poste de pilotage, et s’est penché pour murmurer à l’oreille du pilote. Et là, sans prévenir, il lui a arraché la jugulaire d’un coup de dents !
Le copilote, aveuglé par les jets de sang, a tenté à la fois de maintenir l’assiette et de ne pas finir en hors-d’œuvre… Sans succès, il a fini lacéré sur son siège, tandis que l’appareil finissait déchiqueté sur le glacier.
Une dizaine de passagers n’a pas survécu au crash, et, quand nous nous sommes organisés pour inhumer les corps, nous n’avons retrouvé ni le pilote, ni le copilote, ni Jorge. Au milieu de la nuit, des grognements et des grattements nous ont inquiétés, mais nous étions tellement épuisés par la journée que personne ne s’est levé pour aller voir. A l’aube, nous nous sommes rendu compte que trois compagnons manquaient à l’appel, et que les tombes fraîches avaient été profanées ! Nous avons alors décidé d’utiliser les débris de carlingue pour nous armer, et avons mis en place des quarts de surveillance. Tous les soirs, nous entendions les grognements derrière les rochers, et des silhouettes presque humaines rôdaient autour du campement. Ils nous cernaient, même s’ils ne s’approchaient pas des pieux et fosses qui fortifiaient notre retraite.
Après l’avalanche que leurs piétinements lancinants avaient provoquée, la nuit ne fut plus troublée par aucun bruit monstrueux, et, au matin, nous avons retrouvé les corps broyés contre les rochers de tous les disparus, sauf Jorge. Bien que creuser la terre gelée fut difficile, à la fin de la journée tous les cadavres étaient enterrés. Puis la routine s’est installée, la recherche de nourriture, la surveillance du ciel, le maintien du feu, et le départ de certains pour chercher de l’aide… Vous connaissez la suite !»

L’homme en complet noir regarde le survivant un long moment, puis se racle la gorge et prend la parole d’une voix lente et monocorde :

« Je dois dire, que dans une situation de stress extrême comme celle que vous avez traversé, l’imagination prend parfois le pas sur la réalité. Ce n’est pas en tant que psychologue des services secrets que je vous parle, mais bien en tant qu’ami : le crash du vol FH227 n’est dû qu’aux mauvaises conditions météo, les marques de morsures sur les cadavres ne sont dues qu’aux tentatives de survie, et Jorge Globo n’a pas été contaminé par quoi que ce soit, puisqu’il n’a jamais existé ! Garde bien cela à l’esprit, et nous nous reverrons jeudi prochain. »

13 octobre 1972 : crash du vol FH227 sur le glacier Las Lágrimas (Argentine), lors du vol entre Montevideo (Uruguay) et Santiago (Chili). 16 survivants sur les 45 passagers et membres d’équipage seront retrouvés le 22 décembre, ayant consommé des cadavres pour survivre.

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