Un jour de mars, la jeune Mary, dont on disait qu’elle voyait les esprits, croisa la chemin du vieux Piran, moine de son état, décédé des siècles plus tôt.
— Mon père, mon saint, demanda-t-elle, que faites-vous aussi loin de vos côtes des Cornouailles ?
Mary se trouvait en voyage avec sa mère à Londres. Trouver le saint sur un quai de gare l’étonnait moins que de le voir si loin de son pays d’origine.
— Je monte au nord, tout au nord. Quelque chose va se passer là-bas, et les mineurs vont avoir besoin de moi.
Mary pencha la tête, laissant la silhouette de Piran s’évaporer devant ses yeux, alors que le train partait en direction du Yorkshire.
Deux jours plus tard, le 5 mars, alors qu’elle regardait les informations sur la télé du bed and breakfast où elle dormait, Mary retrouva Piran au milieu des six mille grévistes de Cortonwood. Ce soir-là, et pour les longs mois qui suivirent, elle pria le saint protecteur des mineurs de veiller au bonheur de ceux qu’il avait choisis, cette année-là, de rejoindre.
Les Cornouailles fêtent le 5 mars la saint Piran, moine médiéval protecteur des mineurs.
Le 5 mars 1984 commence la plus grande et longue grève britannique, symbole malheureux et violent de l’ère Thatcher.