Lorsque le brave marchand de vin plaça un panneau à la porte de sa boutique, indiquant que l’accès à son échoppe était interdit aux femmes durant deux jours, le scandale fut retentissant.
« Quelles sont ces balivernes ? s’indigna-t-on fort justement. Les dames ont donc le palais si goujat pour être ainsi privées du divin nectar ?
— Il va voir, si on peut pas se pointer dans sa tikbou, l’aut’ sexiste, » intervint une demoiselle au langage moins lyrique.
Et sous les yeux affolés du marchand de vin, une bande d’assoiffées, secondées par quelques chevaliers blancs, forcèrent le passage et firent irruption au milieu des présentoirs à bouteilles. Mais à peine eurent-elles investi les lieux qu’un tournis les saisit. Dans une brume violette, un jeune homme d’une beauté divine quoique légèrement couperosé, couronné de feuilles de vigne et ne portant rien d’autre, les accueillit et les entraîna dans une danse effrénée au son de flûtes et des bouteilles glougloutant.
— À la belle ivresse, mes belles bacchantes, dansez, riez, aimez, dit le dieu du vin.
— Et voilà, gémit le marchand, chaque année c’est la même chose, elles vont s’enivrer et violer les mâles. J’ai compris la leçon, je fermerai boutique à chaque bacchanale.
Nelly Chadour
Après avoir prouvé son sens des affaires dans le commerce du vin, Bacchus décide de passer à la vitesse supérieure et ouvre sa propre boîte de nuit, les Bacchanales, avec entrée gratuite pour les femmes les deux premiers jours.
Anthony Boulanger
« Et moi, je te dis qu’il fallait continuer à interdire complétement la bibine aux hommes. Ils sont incapables de se contrôler, ces cochons-là !
— Ah, ma chère Hispala, tu as raison. T’imagines… Si on tombait sur un groupe de débiles, genre… heu… des fanatiques pyromanes ?
— Hihihihi… des « fanatiques pyromanes »… Mais où est-ce que tu vas chercher ça ? Allez, ressers-moi une coupette ! »
186 av. J.-C. : scandale des Bacchanales, initié par des révélations de la courtisane Hispala
16 mars 1244 : deux cent vingt cathares du château de Mont-Ségur qui venaient de se rendre sont brûlés vifs.
Sandrine Scardigli
— Oh, Blaise. Cessez donc de me regarder ainsi. Vous me troublez.
— Mais, Charlotte, c’est bien là mon intention.
— Gardez donc vos pensées pour vous.
— Fi donc ! Je tiens à les partager. Avec vous. Avec tout le monde ! Peut-être en fera-t-on un livre un jour, qui sait ? Eh bien, tombez ce corsage.
— Taisez-vous donc ! Mais que m’arrive-t-il ? Je ne peux arrêter ce fourmillement entre mes hanches. Ce feu du désir que vos paroles attisent.
— Ma tendre Charlotte. À quoi bon résister, dans ce cas ?
— Mais, Blaise, il y a des gens.
— Eh bien, justement ! Mesdames et messieurs, laissons-nous tous envahir par la fièvre du désir. Quel plus bel hommage pouvions-nous rendre aux célèbres bacchanales romaines qu’en célébrant ici-même, dans ce carrosse, l’amour et la bagatelle. Inaugurons avec panache les premiers transports amoureux communs en public.
16 mars 1662 : On inaugure, entre la porte Saint-Martin et la porte du Luxembourg, les premiers transports en public. Sur une idée de Blaise Pascal, enfin presque.
Père Désœuvré