— Savais-tu que la Terre était recouverte à plus de 70 % par de l’eau sous forme liquide ? Et que le l’eau représentait 65 % du poids d’un corps humain ?
— Non, et alors ?
— Et qu’un homme non hydraté meurt au bout de cinq, peut-être six jours ?
— Où veux-tu en venir ?
— Et qu’il existe sur Terre un septième continent constitué de déchets plastiques ? En fait, il existe même cinq grandes nappes de déchets, pour être précis. La surface des océans serait ainsi polluée à 88 % par des microdébris de plastique. C’est énorme !
— Et donc ?
— Certains bureaucrates font des ronds de jambe lors d’opérations « journée mondiale de l’environnement » et on en reste là. Si, face à une pollution à ce point généralisée des océans, aucune volonté politique forte ne se dessine, que faudra-t-il qu’il se passe, selon toi, pour qu’on agisse vraiment ?
— Ben, je ne sais pas ?
— Tu dois bien avoir une petite idée sur la question, non ?
— Attends, laisse-moi réfléchir… Ah, oui, je sais !
— Vas-y, je t’écoute ?
— Il faudrait que trier les déchets, s’occuper de la nature, et tout ça, devienne enfin rentable ! Qu’on puisse gagner de l’argent en étant écolo !
— Hélas, je crois que tu as raison. L’argent domine le monde et si sauver notre peau ne devient pas rentable un jour, c’en sera fini de l’espèce humaine avant qu’on ait eu le temps de dire « ouf ».
Pascal Bléval
Le 8 juin 2036, les océans Pacifique et Atlantique se réunirent en submergeant l’isthme de Panama. Quelques années plus tard, toujours un 6 juin, l’océan Indien et l’Atlantique se mêlèrent un peu plus en unissant leurs avancées à travers l’Afrique. Sous l’action conjuguée de l’érosion, qui abrasa les continents, de la fonte des glaces, qui emplit les océans de toujours plus d’eau liquide, de la dilatation thermique, qui faisait que l’eau occupait plus de place, de l’éboulement des massifs montagneux dans les eaux, qui éleva un peu plus le niveau, la dernière île, l’Everest, fut submergée le 8 juin 2100, faisant de la Terre la véritable planète bleue du système solaire et de la journée officielle de l’Océan la journée qui n’avait jamais aussi bien porté son nom.
Anthony Boulanger
8 juin. Journée mondiale de l’océan. Ou comment les sirènes telles qu’on les pense (hors celles de Loisel) ne tiendraient pas une journée dans l’eau sans tomber malade…
Lolla étouffa un éclat de rire.
— Oh la la ! Mais qu’est-ce qu’ils ont bu avant de dessiner ça ?
Mara fit une grimace en tournant la page du livre. Les deux femmes étaient allongée sur un rocher, leurs queues d’écailles ondulant lentement dans l’eau salée. Le magazine, emprunté sur un voilier humain, présentait de très fines silhouettes féminines censées être des sirènes.
— Tu te rends compte, dit Lolla en pointant du doigt une blonde épaisse comme une algue. Elle ressemble à Didi quand elle était malade ! Elle a dû partir aux Caraïbes pour ne pas attraper une pneumonie.
— Avec la peau sur les os, oui. Pffff…
Mara déplaça son corps, ses larges et épais bras la rehaussant légèrement sur la roche. Ses seins graisseux étaient sa fierté. Avec eux, non seulement elle avait assez de protection contre le froid, et les morsures, mais elle tenait tous les mâles de son clan autour de son petit doigt. Lolla, de quelques années sa cadette, prenait le même chemin, quoi qu’elle fut plus large des hanches.
— Les humains ne savent vraiment pas ce que c’est que de vivre dans l’eau.
— Oui en même temps, ils pensent qu’on n’existe pas. Le dernier que j’ai croisé pensait que j’étais un vulgaire phoque ! Autant dire qu’il n’a pas tenu longtemps.
— Tu l’as noyé ?
Mara haussa les épaules :
— Oui, mais après une petite partie de bagatelle. On ne va pas s’en priver non plus. Allez, ce magazine est ridicule, retournons à l’eau !
Célia Deiana
Taverne du mont Parnasse
« Alors, ma belle, tu préfères toujours les cornus ? Ou tu es partante pour te laisser noyer par le charme des grands espaces océaniques ?
— Vu ce que tu engloutis ici, j’aurais plutôt peur de me noyer dans un ridicule tonneau d’hydromel. »
C’est alors que, vexé, Okéanos fit jaillir de ses eaux un peuple de guerriers valeureux qui semèrent la terreur sur toute la terre de la nymphe Europe.
8 juin 793 : première incursion des Vikings qui ravagent l’île de Lindisfarne
Sandrine Scardigli
Londres, le 8 juin 1949,
Monsieur Orwell
Nous avons lu votre manuscrit avec attention, mais nous sommes au regret de vous annoncer que nous ne publierons pas votre texte.
Considérer que le capitalisme conduira pêle-mêle au réchauffement climatique, la montée des eaux, la disparition des baleines est très intéressant, mais indique un manque total de clairvoyance et de discernement que nous exigeons pour nos publications.
Je ne saurais trop vous conseiller de vous orienter vers la science-fiction, genre littéraire où votre imagination délirante fera sans doute des merveilles.
Cordialement
Journée mondiale de l’océan
8 juin 1949 : sortie de 1984 de George Orwell
Père Désœuvré