L’immense lapin blanc n’en croyait pas ses yeux. Sa montre à gousset lui jouait-elle des tours ? Il la contempla quelques secondes, sans vraiment réaliser ce qui se passait. Un peu plus loin, Alice l’observait sans comprendre :
— Un souci ? demanda-t-elle en s’approchant.
Le lapin blanc secoua la tête, faisant bouger ses deux grandes oreilles de droite à gauche.
— Non, non…
— Alors allons-y. Ne dis-tu pas que tu es toujours en retard ? Comment veux-tu que je coure après toi, si tu restes derrière ?
— C’est que…
Il secoua sa montre, la porta à son oreille pour écouter le mécanisme. Non, rien ne clochait…
— Quoi ? s’écria Alice, impatiente de reprendre l’histoire.
— … je suis en avance !
Bénédicte Coudière
Les rues de la capitale étaient bondées, impossible de circuler, que ce soit en carrosse ou même à cheval.
Marie attendait seule, comme une andouille, devant l’autel. Mais, pouvait-on dire qu’elle était vraiment seule, avec les 2500 nobles venus de tout le royaume (enfin de Versailles) et des autres cours d’Europe (autrement dit, tous les ennemis de son futurs époux).
Oncle Phil* avait pourtant dit au morveux de partir tôt, car il serait périlleux de rallier Versailles et Notre-Dame sans encombre, puisque tout le royaume savait que le grand jour était arrivé.
Le morveux, lui, ne semblait pas vraiment pressé d’arriver. Certes, il trouvait la Marie plutôt à son goût, pour une cougar de bas étage**.
« Oh regardez, les rues sont pleines à craquer. Tant pis, nous serons en retard. De toutes façons, ils ne peuvent pas commencer sans la star du jour, enfin je veux dire : MOOOoooooaaaaaa. »
Oncle Phil, devant tant de désinvolture lui rappela :
« Morv’, enfin je veux dire Majesté. N’oubliez pas que la ponctualité est l’apanage des rois.
— Mais oncle Ph’, enfin je veux dire messire Régent. Je ne suis pas roi, vous me dites tout le temps que je ne suis qu’un morveux. »
* Oncle Phil est Philippe d’Orléans, le régent du royaume durant la minorité du morveux, enfin de Louis XV. Si vous avez lu la Micro du 1er, il s’agit bien du même morveux…
** Marie Leszczynska était la fille de Stanislas, roi élu de Pologne, puis déchu, et 7 ans plus âgée.
5 septembre : Be late for something day
5 septembre 1725 : mariage de Louis XV et Marie Leszczynska
Gédéon
— Dis, Joseph, j’ai quelque chose à te dire mais c’est un peu délicat.
— Quoi donc, Marie ?
— J’ai une semaine de retard.
Père désœuvré
Akihiko aurait dû rentrer dans la capsule depuis dix bonnes minutes. Mais voilà, puisque ses camarades de vol s’étaient moqués allègrement de lui depuis leur départ, il avait décidé de se venger un peu.
Japonais hein ? Et où est ton appareil photo ? Et patati, et patata.
Bande d’andouilles.
Akihido sourit, même si personne ne pourrait jamais voir son visage à travers le verre de son casque.
Clic-clac.
Et voilà, bien fait ! Il était peut-être en retard pour revenir de sa mission dans l’espace, mais au moins, en digne « touriste japonais », il serait le premier à avoir jamais fait un autoportrait dans l’espace !
Mangez-vous ça, les Amerlocs !
Le 5 septembre 2012, l’astronaute Akihiko Hoshide lance la mode du selfie en se prenant en photo dans l’espace.
Célia Deiana
Jacques consulte sa montre pour la dixième fois en l’espace de trente secondes.
20 h 14. Le métro n’avance pas.
— Mais qu’est-ce qu’il se passe, merde !
Trois passagers dévisagent Jacques : il a parlé à voix haute. Il veut s’excuser pour son manquement à l’étiquette tacite, mais se retient : inutile d’en rajouter. Il préfère contempler sa montre.
20 h 15. Le métro redémarre pour mieux s’arrêter dix mètres plus loin… puis repartir une minute plus tard… et ainsi de suite à plusieurs reprises.
Jacques fulmine.
J’ai fait exprès de prendre de l’avance pour ne pas avoir de problèmes, merde !
20 h 25. Station Vaugirard, enfin.
Jacques descend en courant, écrase le pied d’une femme qui pousse un cri de douleur. Il ne se retourne pas pour s’excuser : il est en retard. Il avale les escaliers quatre à quatre, bouscule un enfant, qui manque de tomber. Sa mère le rattrape de justesse. Jacques a déjà disparu dans le flot des voyageurs.
20 h 29. Jacques pousse la porte de la salle Jupiter. Dix visages se tournent vers lui. Il se rend à sa place en silence.
20 h 30. Tous se lèvent à l’arrivée de l’orateur. Jacques soupire de soulagement. Il est à l’heure !
— Bonjour ! Je vous remercie d’être venus si nombreux. Je suis Guillaume Haste, votre coach. Ensemble, nous allons tuer le lapin blanc et ainsi oublier cette phobie du retard qui nous pourrit l’existence. Une autre vie est possible si l’on cesse d’être esclaves du temps qui passe. Des questions ? Non ? Alors, c’est parti…
Pascal Bléval
Ce fut un 5 septembre qu’Alice pénétra dans un certain terrier à la poursuite d’un certain lapin blanc pour se retrouver dans le métro parisien, à subir les perturbations liées à une avarie du matériel.
***
5 septembre 1260 : se tient la bataille de Montaperti, dont les faits nous sont parvenus par l’entremise de retranscriptions de moines. On y parle alors de l’affrontement entre les Guelfes et les Gibelins, mais personne n’est dupe. Il s’agissait de la dernière guerre, qui scella la disparition du Petit Peuple, puisque s’affrontaient Elfes et Gobelins et qu’on n’en entendit plus jamais parler après.
Anthony Boulanger
« Fouquet, veuillez nous suivre, sur ordre du Roi !
— Mais enfin, en pleine fête ?
— Ne discutez pas ou je vous embroche !
— Je ne peux pas délaisser mes invités ! Avec une telle brochette de célébrités, ce serait trahison !
— Ne me tentez pas, avec votre histoire de brochette, et suivez-nous gentiment !
— Mais enfin, pour quel motif ?
— Retard de paiement de vos impôts… »
Le 5 septembre 1661, le surintendant (ministre des Finances) du jeune Louis XIV, Nicolas Fouquet, est arrêté par d’Artagnan et ses mousquetaires, après avoir organisé une soirée particulièrement fastueuse (dispendieuse) en son château.
Sandrine Scardigli
« Non et non, cria Pierrot, parieur patenté. Je ne miserai pas un kopeck sur ces gros mauvais d’Israéliens. Ils sont tout juste bons à se faire laminer, massacrer, ventiler ! »
Flash spécial ! Mort de onze athlètes israéliens au cours d’une prise d’otage sanglante !
Tous les autres parieurs se tournèrent vers leur pair qui se fit tout petit sur sa chaise. Les regards lourds de reproches, brillants de crainte, reflétant peur, incrédulité, mépris, colère, tout cela vrilla sur le pauvre hère. Le doyen des parieurs se leva alors lentement. Ses genoux craquèrent et il dut s’appuyer sur sa canne, mais tous gardèrent le silence, attendant sa sentence.
« Hé, Pierrot, tu peux dire un truc sur l’équipe nantaise pour les championnats de foot ? »
1972, prise d’otage aux Jeux olympiques de Munich.
Nelly Chadour