« Sal… sal… sal…
— Tu vas le dire, oui, ce mot de passe ? Il y a du monde derrière toi qui veut passer aussi !
— Sal…
— Fais un effort…
— Sal… safi… sass…
— Allez hop, au suivant ! Ras-le-bol des attardés !
— C’est pas… pas juste ! Toute ma vie, on s’est fi… fichu de moi. Ça suffit !
— Ah, tu y étais presque. Dommage ! »
1er novembre : jour de passage des morts dans le monde des vivants ; jour du salsifis
1er novembre 846 : naissance de Louis II le Bègue
Sandrine Scardigli
— Alors, docteur ?
— C’est bien la peste.
— Oh fan de chichourle ! Je savais bien que ces galériens n’avaient pas l’air très sains !
1er novembre : fête de la Toussaint
1er novembre 1347 : la peste noire est importée par des galères génoises à Marseille.
Laurie Efthimiadi
— Igor, reviens par ici tout de suite !
Le petit garçon soupira, puis engagea un demi-tour peu motivé entre deux tombes.
— Mais ça va euh…
Jean-Augustin-Ferdinand, dit JAF, ne s’en laissa pas compter et redressa le col de chemise de son jeune compagnon. Il avait réussi à récupérer un « blouson » et du « gel à cheveux » pour qu’Igor se fonde un peu mieux dans la population.
— Pourquoi je peux pas me maquiller comme tout le monde ?
— Parce que SombreLillith2004 m’a affirmé que le quartier ne voulait plus d’Halloween. Ce serait dangereux pour les enfants et trop bruyants pour les vieux. Donc on se ferait remarquer tout de suite.
Igor sourit à pleine dent (il n’en avait plus qu’une) :
— Elle t’a tapé dans l’œil, SombreMachine ?
— C’est mon arrière-arrière-arrière-petite-nièce, Igor, ce serait sale.
— T’es de la fosse commune, JAF, tu ne sais pas qui sont tes arrière-petits-enfants.
— Et alors ? Je sens quelque chose avec elle…
— Tu sens plus rien, ça marche plus depuis des siècles le machin qui pendouille, là.
— Grossier enfant, fit JAF.
Ils sortirent du cimetière par une porte dérobée, derrière un groupe de jeunes veuves décaties profitant de la nuit des morts pour fuir leurs maris quelques heures.
— On va où alors, cette année ?
JAF avait été un artiste en son temps. Igor était mort d’une mauvaise pneumonie.
— Tu as entendu parler de Cœur de Clown ? Je pense qu’on peut aller les remplacer un petit peu, accueillir nos peut-être futurs petits voisins de façon un peu plus originale que d’habitude.
Célia Deiana
— J’ai une question, mon Père, mais je suis effrayé de vous la poser.
— Je t’écoute. Sache qu’il ne faut pas avoir peur car dans cette église, nul mal ne peut te toucher.
Le scientifique hésita un instant face au religieux, mais chassa ses doutes d’un mouvement de tête.
— La Toussaint est bien la fête de tous les saints ? Connus et inconnus ? demanda-t-il.
— Oui, en effet.
— Donc, même ceux à venir, en attente de canonisation, ou même ceux qui ne sont pas encore nés ?
— Moui… répondit le prêtre, se sentant attiré sur un terrain instable.
— Alors, je peux fêter saint Galilée, saint Newton, saint Tesla, sainte Curie, saint Einstein et tous les autres, en partant du fait que ce n’est qu’une question de siècles avant qu’ils ne soient canonisés ?
— Ahah, non, mon fils. Il faudrait qu’ils aient réalisé des miracles de leur vivant et que ces miracles soient reconnus.
Un sourire apparut sur le visage du scientifique.
— Oh, vous savez, un miracle, c’est une question de point de vue. C’est relatif, si vous voyez ce que je veux dire. Nous sommes des millions déjà à les avoir constatés.
Anthony Boulanger
Après des semaines de discussion, les prélats étaient enfin d’accord. Ils avaient finalement tranché la question de la nature du Christ, du moins jusqu’à la prochaine fois.
« Bon, cette fois, c’est bon ? On est d’accord. Eutychès est vilain, pas beau, pas bien. Le Christ est d’essence humaine ET divine. C’est validé, on revient pas dessus dans 20 ans.
— Ouais, ouais, c’est bon. Nous non plus, on ne veut pas revenir pour encore parler de ça, s’écria un prélat déjà présent à Éphèse.
— Alors maintenant, un dernier mot. Nous canonisons de plus en plus de monde et il faudrait trouver un jour pour fêter tous les saints…
— Ahhhhh c’est sûr, il faut pouvoir fêter le sein gauche et le sein droit !
— Bien, j’ai compris. On remballe, on en parlera une autre fois… »
1er novembre 451 : clôture du concile de Chalcédoine, qui produit le symbole de Chalcédoine officialisant le Christ comme étant de nature divine et humaine. Il est humain par sa mère la Vierge Marie, et divin par son Père.
Jour où ne fut pas inventée la Toussaint…
Gédéon
Les cimetières fleurissent, tapis moelleux de chrysanthèmes noyant les anges éplorés, les croix de pierre et les plaques commémoratives sous leurs pétales colorés. Mais qui enterre les fleurs du souvenir quand elles fanent et rejoignent les disparus célébrés dans une décomposition lente ? C’est le fantôme de la blanche Ophélie, pâle comme un lys, qui ramasse les fleurs tombées sous les étoiles, et les enterre, une à une, en soupirant si tristement que les arbres pleurent leurs dernières feuilles.
Nelly Chadour
Fêtons ensemble aujourd’hui la fête de saint Vincent, saint François, saint Paul, saint Lézin et les autres.
Père Désœuvré
Halloween
— Sergent Chouinpch, passez-moi la ville au peigne fin s’il le faut, mais retrouvez-moi cette citrouille !
Le commandant Héklar, plus haut gradé de la flotte vénusienne stationnée dans le système Hélios, fulminait. Après avoir déjoué sa surveillance, un espion originaire de Proxima avait déposé une bombe Z sur Terre. S’ils ne la désamorçaient pas très vite, la zombiepocalypse se déchaînerait. Par chance, ils avaient pu tracer les rayonnements d’élérium émis par la bombe. Elle se trouvait dans les jardins du château de Maintenon.
Problème : des citrouilles, il y en avait des centaines ! Partout alentour, des monstres se côtoyaient dans un joyeux brouhaha. Seule consolation : les tentacules des deux Vénusiens passaient pour un déguisement. Ils n’avaient donc pas eu besoin de se grimer.
— Ils n’auraient pas pu fêter Halloween le 31 octobre, comme tout le monde ?
— Il pleuvait, ils ont décalé la date, trancha Héklar. Réjouissons-nous plutôt que ce foutu Proximien n’ait pu déposer qu’une bombe avant que nos agents ne l’abatte.
Soudain, une explosion jeta toute l’assistance à terre à l’exception des Vénusiens, protégés par leurs champs de force. Bientôt, des grognements sourds sortaient de sous les masques des humains : l’infestation avait commencée.
Héklar lâcha le seul ordre rationnel en ce terrible instant :
— Vaporisez-moi ça, sergent. Ils sont déjà morts, de toute façon.
Quelques minutes plus tard, un bombardement orbital précis et discret réduisit en cendres Maintenon et ses environs…
Pascal Bléval