Yalta 7, février 1945
STALINE. — Bon, réglons la question des super-humains. Maintenant que Crâne Rouge est éliminé, on s’était mis d’accord pour les mettre au placard. J’envoie Red Guardian en Sibérie et vous mettez votre Captain America au frigo.
ROOSEVELT. — C’est quand même dommage, avec ce qu’ils nous ont coûté.
STALINE. — Eh bien, vous pouvez continuer à les utiliser pour vos comics. Si ça se trouve, vous pourrez même en faire des films, ensuite.
CHURCHILL. — Heu… les gars, vous avez oublié de mentionner Captain Britain, notre super-héros.
Staline et Roosevelt éclatent de rire.
STALINE. — Sacré Winston !
ROOSEVELT. — Toujours le mot pour rire.
Le 7 février 1945, à la conférence de Yalta, Staline et Roosevelt abordent le problème des super-humains. Churchill aussi.
Père Désœuvré
Geni avait eu du mal à trouver du cannabis pur. Le petit tas de feuilles séchées sur ses genoux étaient les reliques d’une longue quête à travers Addis-Adeba, dans ses bas-fonds les plus dangereux où une fillette de huit ans ne devrait pas traîner. Geni roula un joli cône avec du papier à tabac, porta l’extrémité à sa bouche et alluma le joint. Elle n’avala pas la fumée, elle se contenta de la recracher vers les quatre points cardinaux, posa le cône et attendit. Pas longtemps. La fumée de cannabis prit peu à peu la forme d’un grand monsieur aux longues dreadlocks. Il exhalait des volutes par le nez, la bouche et même les yeux, mais Geni n’avait pas peur. Elle se prosterna devant l’esprit :
— Saint-Bob, j’invoque ton aide. Protège-moi de ma famille.
— Ta famille ? Veulent-ils te passer sous le couteau du Boucher Exciseur ?
La voix du spectre était chantante et joyeuse, mais ses yeux enfumés emplis de gravité.
— Oui, dit Geni. Demain, ils me couperont le minou.
— Il ne t’arrivera rien. Saint-Bob aime la musique, l’amour, et les femmes étourdies de plaisir.
La fumée du cannabis forma un cocon cotonneux et odorant. Une musique entêtante sur un rythme à quatre temps envahit la pièce, donnant une irrésistible envie de danser. Saint-Bob prit Geni par la main et tous deux sortirent de la petite maison familiale sans que les parents ne le remarquent, remontèrent les grandes rues d’Addis-Adeba en laissant un sillon parfumé qui attira toutes les filles en âge d’être excisées. Le cortège dansant disparut à la sortie de la ville, dans un tourbillon vert, jaune et rouge. Ce jour-là, le Boucher Exciseur se mordit les doigts de frustration.
Hasard du calendrier, la célébration de Bob Marley en Éthiopie tombe le même jour que la journée internationale contre l’excision.
Nelly Chadour
Je n’ai d’autre moyen de te prévenir qu’en écrivant cette lettre. J’ai oublié de fermer le gaz en partant ce matin. En cas de souci, ça ne te sauvera pas, mais ça m’évitera certainement un procès à mon retour de mission spatiale. Je t’aime toujours, aujourd’hui plus qu’hier… et bien moins que demain.
Ludovic Arfi
Le 6 février 2037, la journée sans téléphone portable (sans GSM, pour nos amis belges) a été étendue à l’ensemble des jours de l’année. Il faut dire que, maintenant que tout le monde a son implant cochléen, ça ne servait plus à grand-chose !
Pierre Gévart
Le 6 février 2978 du Troisième Âge, Denethor, vingt-sixième Intendant du Gondor, voulut utiliser son palantir pour souhaiter son anniversaire à son voisin Sauron du Mordor, mais ses conseillers lui apprirent que les Istari avaient décrété que ce jour était celui sans communication portable. Denethor relégua alors la fête de Sauron dans un coin de son esprit mais le Maia corrompu lui en garda une rancune féroce qui se traduisit quelques années plus tard par les évènements tragiques que nous connaissons et qui conduisirent à la destruction de mon précieux.
Anthony Boulanger
De l’autre côté de la petite chambre, une vibration se fait entendre. La petite fille laisse tomber son stylo et se précipite pour s’emparer du téléphone portable. Le portant à l’oreille, elle y lance un joyeux « Allô, Sophie ? » Mais au lieu de la voix de sa meilleure amie, une voix masculine, un peu rauque et légèrement nasillarde se fait entendre avec un léger écho, comme si elle était loin. Elle entame une étrange litanie : « Émancipe-toi de l’esclavage mental. Personne d’autre que nous ne peut libérer notre esprit. N’aie pas peur de l’énergie atomique. Car aucun d’entre eux ne peut arrêter le temps… »
Elle n’en écoute pas davantage : laissant tomber le téléphone, elle se précipite dans le couloir en hurlant de peur.
Tandis que sa mère la console, son père tourne en rond en soliloquant : « On t’a pourtant dit et répété ! S’il y a cette journée sans portable, c’est pour une bonne raison, bon sang ! Nous pourrions avoir une amende, tu sais ? Tout de même… Je me demande combien de temps ça va encore mettre pour qu’ils règlent ce problème. Enfin quoi ! Pourquoi le fantôme de Bob Marley se met à hanter le réseau GSM comme ça chaque année ? C’est ridicule… »
Vincent Corlaix
C’est une journée à l’atmosphère dégagée de toute onde de téléphone portable. Un délice pour les télépathes et les nostalgiques de la CB (prononcez « ci-bi »).
Sandrine Scardigli