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vendredi 29 mars 2024

17 mars

Hier, le 16 mars 1871, Blanqui a pratiqué le déconcertant jeu des questions-réponses sur une feuille qu’il a rougie avec de l’écarlate de Valachie. Il excelle dans l’Écriture automatique telle que pratiquée par Allan Kardec et ses suivants. Il maîtrise aussi l’Écriture tout court, un des Arsestranges les plus rares et extraordinaires qui existent. Il ne s’agit plus là des tours de foire des Dramaturges et des Compositeurs d’opéra. Comme lorsque les Mages arpentaient encore la Terre, l’enjeu devient le monde même.
L’Écriture automatique lui a révélé que l’on viendrait l’arrêter ici le 17 mars, chez son ami médecin de Bretenoux. Elle lui a donné le nom de l’agent, Benjamin d’Arceaux, qui procèderait à son arrestation.

Blanqui se secoue et retrouve le petit bureau à côté de son lit. Il n’est plus temps de se reposer, la maladie attendra. Il n’a que très rarement utilisé l’Écriture dans sa forme la plus puissante, la Poésie. Pas celle des mauvais rimailleurs qui, même doués de Talent, ne pourrait rivaliser une seconde avec Orphée et les véritables Poètes des temps anciens. Création. Recréation. Un acte épuisant, létal, si on en abuse. Chaque mot couché sur la feuille brûle l’énergie vitale d’Auguste Blanqui en appliquant, au fer rouge, sa volonté à la réalité, mais il se doit à une cause supérieure. La révolte gronde à Paris, on a besoin de lui à la capitale.

Sa main trace les mots, d’abord avec difficulté, puis avec plus de force, même si l’effort demandé ne décroît pas. Il doit le faire !

Benjamin d’Arceaux a eu un accident de coche. Il ne viendra point aujourd’hui, ni un autre jour. Personne ne viendra me chercher. Mon dossier s’est perdu. Le temps que les partisans de Thiers se souviennent de mon existence, je ne serai plus là.

La porte s’ouvre sans bruit, mais le mouvement d’air lui fait lever la tête de sa feuille.
Ses yeux tombent sur un vieil ennemi, qui aurait dû mourir depuis bien longtemps. Le spectre de la France. De toutes ces France qui se sont succédé depuis cent ans, sans que ce vil manipulateur ne s’éloigne jamais du pouvoir à sa tête, quelle que soit sa couleur politique.
Sa Police n’existe plus, mais il est toujours là. Ses hommes, comme ce d’Arceaux, sont infiltrés partout.

Blanqui croise son regard neutre, l’expression immuable flottant sur son visage allongé, ses lèvres minces. Plus que n’importe quel mot, elle lui confirme qu’il a toujours été là, qu’il sera toujours là, et que le combat était perdu d’avance, Écriture ou pas.

— Mon lieutenant, Benjamin d’Arceaux, a eu un petit empêchement. Je suis donc venu vous arrêter en personne. Vous comprendrez bien que cela n’a rien de personnel. L’Histoire doit suivre son cours, annonce Joseph Fouché.

17 mars 1871 : Arrestation d’Auguste Blanqui (dans l’univers d’Émile Delcroix aussi !)

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