« Merde, c’était pas le 26 ? »
Vincent Corlaix
Voyant venir le manque de micronouvelles et le peu d’enthousiasme de ses ouailles en cette journée bien nommée de la procrastination, le Père Désœuvré crut avoir trouvé la bonne parade en faisant l’acquisition du dernier Slurpidées de chez Body Snatching, l’aspirateur à idées qui ne laissent pas de trace. Le problème, c’est que sucer puis régurgiter les idées de tous ces microauteurs fainéants laissa un beau bordel sanguinolent sur la table de travail, mêlant le cortex cérébral d’Anthony Boulanger, les neurones de Vincent Corlaix, le limbique droit de Nelly Chadour, le lobe frontal de Sandrine Scardigli et d’autres matières grises, roses et rouges plus ou moins identifiables.
— Bon, soupira le Père Désœuvré en sortant du gros fil et une aiguille, on va la jouer Frankenstein style.
Nelly Chadour
— Mais que faites-vous, commandant ? Les troupes de choc vénusiennes sont prêtes à passer à l’action et n’attendent que vos ordres pour conquérir la Terre !
— Un sage, rétorqua le commandant Héklar, a dit la chose suivante : « Pour vaincre tes ennemis, apprends d’abord à les connaître. »
— Je ne vous suis pas, commandant. Que voulez-vous dire par là ?
— Pour garantir la victoire de notre peuple, il est de mon devoir de comprendre les humains. Pour cela, quoi de mieux que d’agir comme eux ?
— Et alors ?
— Alors ? Le 25 mars est la journée de la procrastination, chez les humains. Donc, l’assaut est reporté. Rompez, sergent Chouinpch, et laissez-moi m’imprégner de la psychologie humaine en paix !
Le sergent salua son commandant puis quitta la pièce.
— Certaines coutumes terriennes ont du bon, songea Héklar. Je vais les laisser vivre encore un peu.
Pascal Bléval
Sur la face cachée de la Lune, le gigantesque vaisseau spatial entrave depuis des années la rotation de l’astre afin d’éviter de dévoiler leur présence au genre humain. Le capitaine, masse imposante rougeâtre, pose ses quatre globes oculaires fatigués sur la console de contrôle. Celle-ci clignote de temps à autre, signalant qu’il n’y a, justement, rien à signaler.
– Depuis combien de temps est-on là, lieutenant ? interroge le capitaine de sa voix traînante.
– Je ne saurais dire, mon capitaine. Mille ? Trois mille ? Dix mille ans ?
Tous deux laissent échapper un soupir résigné.
– Si je peux me permettre, va falloir finir la mission, mon capitaine.
– Oui lieutenant. Nous n’avons que trop tardé. Les habitants de cette planète doivent connaître notre existence si nous voulons récupérer une partie de leurs ressources.
– Certes. Quand planifions-nous notre descente ? Dans ce cycle solaire ?
– Si tôt ?! s’exclame le capitaine, dans un sursaut. Non, non… Vous n’avez qu’à planifier ça à demain.
– En journée terrestre ? Spatiale ? Ou…
– Qu’importe, le coupe le capitaine dans un bâillement. Demain. Pas aujourd’hui.
Bénédicte Coudière
Pour ce 25 mars 2014, journée mondiale de la Procrastination, Anthony Boulanger vous renvoie à la micronouvelle de votre choix, en version fantasy ou SF, selon le traitement initial de l’autre auteur.
Anthony Boulanger
« Vas-y, toi… Moi j’irai demain.
— Ah ben non, vas-y, toi, moi aussi je préfère y aller demain… »
Le 22 juillet 1969, l’étage de remontée du module lunaire où avaient pris place Neil Armstrong et Buzz l’éclair redécolla sans qu’aucun des deux astronautes ait mis le scaphandre dehors . La petite SWQZZLMTDR, qui attendait en bas de l’échelle avec son bouquet de fleurs, dut repartir chez elle toute déçue !
Pierre Gévart
« Cent quarante-trois ans pour une basilique, si ça, c’est pas du retard de livraison ! Nous allons être la risée de la chrétienté ! Trouvez-moi quelque chose pour faire oublier ce délai ridicule ! »
C’est donc suite à la colère historique du pape Eugène IV lors de l’inauguration du Dôme de Florence que le 25 mars fut déclaré « jour des délais en gestion de projet », mieux connu sous le nom « journée mondiale de la procrastination ».
Sandrine Scardigli
Au QG de la PCT (Police des Couacs Temporels) :
— C’est quoi la mission aujourd’hui ?
— Retrouver l’anarchiste Ouroboros. Il s’est encore échappé, mais nous l’avons repéré. Il se trouve au 25 mars 2014. Il s’apprête à commettre un attentat terrible.
— C’est-à-dire ?
— Il veut profiter de la journée de la procrastination, et convaincre tout le monde de la reporter au lendemain.
— Et ?
— Et le lendemain il fera la même chose. Vous imaginez l’impact sur la productivité ?
— Diabolique.
Père Désœuvré
Il effectuait les retouches de dernière minute sur son RoBoT-BlAgUeUr. Pour le tester, il lui posa une question difficile. Avantages et inconvénients de la procrastination ?
« + : Faible chance d’être éjaculateur précoce, n’ayant que des reports sexuels.
– : Sentiment d’exil, habiter Hyères et rêver des Landes mainte fois. »
Un doux sourire se dessina sur son visage. Il allait enfin pouvoir abreuver le marché des funérariums et des cimetières.
Ludovic Arfi
Le septième jour, Dieu décida de postposer sine die la finition de l’espèce humaine.
Vincent Bastin
[…] 25 mars : Journée mondiale de la procrastination […]
Toute la journée, il avait essayé de se mettre à la procrastination. Mais il n’y était pas parvenu. Bah ! Tant pis, après tout, ça pouvait attendre demain.