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jeudi 21 novembre 2024

28 septembre – Ask a stupid question day

Le 28 septembre 2014, Julien, élève de cinquième au collège Charles Darwin, écouta attentivement son professeur expliquer le débat sur la classification des virus en tant qu’êtres vivants ou non. Féru d’informatique, il leva timidement le doigt pour demander si les virus informatiques, qui , bien que numériques, présentaient les mêmes caractéristiques et processus que leurs homonymes organiques, pouvaient également être considérés comme vivants. Le professeur ne se donna pas la peine de répondre, partageant l’hilarité de la classe.
Pour Julien, un mutisme long commença, duquel il ne sortit qu’en troisième pour demander un rab de frites à la cantine. Pendant ce temps, il ignora tout des affres informatiques de son ancien professeur. Ses différents périphériques informatiques se retrouvaient systématiquement infectés par des entités numériques qui avaient à cœur de faire payer l’adulte. Le point d’orgue fut l’effacement définitif de l’identité de l’humain des bases de données gouvernementales, de la sécurité sociale, des systèmes bancaires. Les virus informatiques étaient non seulement vivants, mais intelligents et vindicatifs.

Anthony Boulanger


Les scientifiques du monde entier s’arrachaient les cheveux. Ils avaient eu beau tourner le problème dans tous les sens, étudiant le virus des mois durant, avec les appareils les plus perfectionnés, rien ne parvenait à expliquer son déclenchement ponctuel. Comment un organisme sans intelligence pouvait-il savoir à quel moment exact exercer son influence néfaste sur l’organisme ? Pourquoi tous les 28 septembre une grande partie de la population, même ceux ayant bénéficié d’un vaccin, sombrait-elle tout à coup dans une folie furieuse, la bave aux lèvres et les dents retroussées, tant et si bien qu’il fallait se mettre à l’abri jusqu’au lendemain ? À défaut d’obtenir une réponse scientifique, on se tourna vers les sorciers et magiciens les plus réputés. L’un d’eux, nécrologue et philologue, étudia le calendrier et claqua la langue de façon désapprobatrice.
— Vous avez écrit « Journée Mondiale de la Rage » ?

— Oui, mais nous allons retirer cette commémoration à l’ironie de mauvais goût.

— N’en faites rien, vous avez juste mésestimé le pouvoir des mots. Il suffit d’une mauvaise formulation pour aboutir aux plus grandes catastrophes. Laissez-moi apporter une correction magique.

Le résultat fut simplement miraculeux.

Journée mondiale de contre la rage.

Nelly Chadour


« Dis-moi, c’est grave si je livre ma microphéméride avec un jour de retard ? »

Père Désœuvré


— Quand tu me réponds « non », ça veut dire quoi, au juste ?

Sandrine Scardigli


— Je peux te poser une question ?

— C’est ce que tu viens de faire.

L’autre tourne les talons et s’en va.

Bénédicte Coudière


La vie à la rédaction de la Microphéméride.

— Quelqu’un a vu ma glace ? demande Vincent en entrant dans la salle de rédaction.

— Qu… quoi ? Mais de quoi tu parles ? sursaute le Père.

— Elle était noire ou blanche ? lui répond Jacques.

— Mais… de quoi vous parlez ?

— Excuse-moi, intervient Anthony. Mais t’étais pas garé en double-file ?

Le Père est en train de bouillir de colère. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais Sandrine lui grille la politesse :

— Attends, juste un truc : pingouin ou mayonnaise ?

Le Père les regarde tous, éberlué, se demandant où il est tombé. Il demande à la cantonade :

— Mais vous êtes timbrés ou quoi ?

Tous lui répondent en secouant négativement la tête. Pénélope le regarde d’un air triste et lui dit :

— Tsss… Carrément à côté…

— Oh, et puis zut, quoi ! Je me tire ! lance le Père en quittant la pièce.

— En fait, conclut Sandrine, il n’a pas lu l’ordre du jour…

Vincent Corlaix


Mes élèves vénusiens m’ont usé. Enseigner les picotechnologies c’est gratifiant, répondre à des questions débiles beaucoup moins. La journée pourrie continue, il y a des bouchons sur la route pour rentrer à mon domicile. Plusieurs véhicules se sont arrêtés, un attroupement prend forme. Je reconnais un de mes étudiants qui veut sauter du pont gravitationnel. Je tente de le convaincre que ce n’est pas la solution.
« J’veux crever ! Donnez-moi une bonne raison !

— Si tu sautes, tu vas le regretter toute ta vie, tu ne penses pas ? »

Il m’a regardé – surpris – moi, mort de honte. Il a eu pitié, il n’a pas sauté.

Ludovic Arfi


Ernest Lugon sentait bien qu’il était mal embarqué… Au nord, les Orcs fonçaient vers lui, épées brandies et tambours de guerre en action. Ils n’avaient manifestement pas apprécié qu’il vole le crâne de Grashnag, le plus puissant Shaman de leur histoire. Au sud, les squelettes et les zombies de Marane le Noir s’apprêtaient à le mettre en pièces. Le Nécromancien n’avait probablement pas perçu le second degré derrière ses propos lorsqu’il avait refusé de lui donner la relique de Grashnag. À l’ouest, les femmes-serpents des marécages de Ssssilk faisaient siffler leur langue et du poison luisait au bout de leurs crocs prêts à déchirer ses chairs. Le fait qu’il ait tué leur reine ne devait pas être étranger à leur haine à son égard… Au sud… Disons, pour résumer, qu’au terme d’une fuite éperdue, il s’était retrouvé coincé au bord même des gorges de l’insondable abîme. Vous savez, cette faille réputée mener tout droit en enfer ?

Là, il s’était tourné vers le ciel. Il n’avait plus rien à perdre, après tout.

— Ô mon Dieu, oui, j’ai passé ma vie à commettre péché sur péché. J’ai menti, trompé, volé, torturé, massacré, tout ça dans le but de m’accaparer les richesses des autres. Je ne l’ignore pas, cela contrevient à TA loi. Mais il faut bien vivre, non ? Et pourquoi nous as-Tu donné le libre arbitre, si c’est pour qu’on n’ait pas le droit d’en user à loisir, hein ? Alors aujourd’hui, permets que je Te pose cette simple question : que comptes-tu faire pour me sortir de ce guêpier, ô mon Dieu ?

La réponse ne tarda pas. Un éclair déchira le ciel, frappant le sol aux pieds d’Ernest. Le pan de la falaise sur laquelle il se tenait bascula dans l’abîme, emportant le malheureux avec lui vers des tourments éternels aux fins fonds du Tartare.

Dans les cieux, Dieu se dit que cela était bon. Puis il raya une ligne sur un long parchemin, tout en marmonnant dans sa longue barbe blanche.

— Ça, c’est fait. Voyons voir la question stupide suivante…

Pascal Bléval

Pascal

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