La belle et timide jeune femme déploya tous ses charmes pour séduire l’archange saint Michel. La créature angélique se sentit sombrer, chuter, plonger vers le sol à une vitesse faramineuse, conquise qu’elle était. Mais, en passant au niveau du septième ciel, l’archange se dégrisa soudainement et déplia ses ailes, pour un atterrissage en douceur. Un coup d’épée bien placé acheva celle qui promettait de se changer en dragon avec les années.
Anthony Boulanger
Quelque part au Panthéon, résidence Paradis
— Qu’y a-t-il encore, Michel ?
— C’est rapport à ma fête. Je n’ai rien contre le fait d’être le patron des parachutistes, mais je viens d’apprendre que désormais je suis aussi célébré par les naturistes. C’est d’un ridicule !
— (Soupir) Tu n’arrêtes pas de te plaindre. Tu mérites bien ton surnom d’« amer Michel ».
— Et Vous Vous moquez, en plus ? Alors que j’ai terrassé un dragon pour Vous tandis que les autres archanges ne se sont pas autant mouillés ? Je suis déçu du peu de considération que Vous me montrez.
— Tu as raison. Je ne devrais pas t’appeler ainsi, Je vais désormais t’appeler désormais l’Ange déçu.
Père Désœuvré
Le diable sous la forme serpentine du dragon ravageait la contrée. Son souffle méphitique déboisait, désherbait et dépeuplait tout ce qu’il frôlait. Il leva sa gueule infernale vers les cieux pâles d’horreur et rugit :
— Je l’attends, le Saint-Sauveur à l’armure dorée. Qu’il vienne se mesurer à moi, je le terrasserai sans broncher.
— Me voici.
La bête satanique se tourna d’un bond, prête à se jeter sur l’archange sans doute armé de pied en cap, resplendissant dans son habit céleste de guerrier angélique… et il tomba en arrêt devant un messager divin dans le plus simple appareil, son sexe étrangement menu lové dans le nid doré de sa toison pubienne.
Surpris par cette nudité inattendue, le dragon fut bel z-et (bien) buté par un coup de lance adroitement ajusté.
Fête de Saint-Michel, saint patron des naturistes.
Nelly Chadour
Thémistocle, Eurybiade et les autres généraux alliés discutent âprement stratégie lorsqu’un vieux mystérieux encapuchonné apparaît au milieu d’eux.
« Paraît que vous avez des soucis ? Je peux vous aider ! » leur affirme-t-il.
Tout fier, il sort de sa besace élimée une poignée d’une drôle de plante, aux fleurs rouges en grappes. Thémistocle, qui a reconnu l’amarante, se jette sur lui :
« Je prends ! C’est combien ?
— Oh là, mon garçon ! Ça dépend du package. Tu veux quoi ? Empoisonnement de l’ennemi ? Invisibilité ? Ou… »
Thémistocle l’arrête d’un geste de la main.
« Invisibilité, ça suffira.
— Tu es sûr ? Parce que ça ne fonctionne que si tes soldats sont nus. La plante ne peut pas effacer les armures, hein !
— Tout ce que je leur demande, c’est d’aller saboter quelques bateaux perses cette nuit, grommelle Thémistocle.
— Et puis c’est pas comme si ça les gênait d’être à oualpé, hein », rigole le vieux.
En quittant le camp grec, le vieux se tape sur les cuisses :
« Quels cons ! S’ils savaient que Xerxès a pris le package « Immortalité » ! »
480 av. J.-C. : bataille navale de Salamine ; l’armée de Xerxès Ier est vaincue, mais lui est protégé par ses Immortels.
29 septembre : journée de l’amarante ; certains « magiciens » prétendent qu’elle a le pouvoir de rendre invisible ou immortel (en fonction du degré d’initiation)
Sandrine Scardigli
La vie à la rédaction de la Microphéméride.
29 septembre, aérodrome de Chavenay, à quelques kilomètres à l’est de Paris. Le Père, Sandrine, Jacques, Anthony et quelques autres ont le nez en l’air, les yeux rivés aux jumelles.
— Il va pas le faire.
— Moi je vous dis que si.
— Il va se dégonfler.
— Pas sûr…
— On parie ?
— Hé, c’est lui !
— Vincent a sauté ?
— Oui, c’est lui, là ! Je reconnais sa barbe et ses…
— Rhoooo… Mais on dirait qu’il y a des turbulences, non ?
— Oui, ça secoue !
— Ah ! Il s’emmêle dans les cordages !
Après un moment de silence, tous en chœur :
— Oooh ! Ça doit faire mal !!!
Vincent Corlaix
En pleine guerre intergalactique, nous survolions une zone ennemie de l’extraplanète X-12. Le bleu de l’équipe ayant perdu gros au poker et oublié de payer sa dette, on lui colla un gage : sauter à poil. On s’est bien foutu de sa gueule, de ses cris perçants, de son allure de libellule désarticulée. Habillé pour l’hiver, il ne le verrait jamais, un sacrifice vertigineux. Mais l’ennemi était désormais au jus, on était des fous couillus prêts à tout.
Ludovic Arfi
Léona et Simon se voyaient déjà pousser des ailes. L’avion qui les emportait avait décollé quelques minutes auparavant, et ils dépasseraient bientôt les nuages. Il serait alors temps de sauter.
Leur instructeur les avait aidés à s’harnacher. Ils se sentaient lourds, engoncés dans leur combinaison. Lorsque l’appareil se stabilisa, Léona se tourna vers l’instructeur.
— Je crois bien que le pilote vous a appelé.
— Ah bon ? Je n’ai rien entendu.
Léona insista et l’autre poussa un profond soupir avant de franchir la porte menant au cockpit. La jeune femme la referma dans son dos et bloqua la serrure avec une de ses boucles d’oreilles. Elle les avait testées, chez elle, et avait acquis une certaine dextérité dans la manœuvre. Bien sûr, cela ne tiendrait pas longtemps, mais ce n’était pas nécessaire.
Elle rejoignit son conjoint. Simon avait déjà ôté ses habits et resanglé son parachute. Elle l’imita avec un large sourire. Elle se sentait comme sur un petit nuage. Aujourd’hui, 21 septembre 2014, ils célébreraient à la fois la fête du naturisme et celle du parachutisme.
Le selfie allait faire un sacré buzz !
Elle regarda Simon : il était beau, dans son costume de naissance. La plus belle création de Dieu, en vérité ! De son côté, il la fixait avec ardeur et Léona comprit qu’il pensait la même chose de son corps à elle.
Sans plus réfléchir, ils se prirent par la main et déclenchèrent l’ouverture de la porte latérale. Le vent qui s’engouffra dans la cabine était glacial et, un instant, Léona se demanda si c’était vraiment une bonne idée de sauter d’aussi haut, dans le plus simple appareil… Mais déjà, Simon avait bondi en avant, l’entraînant à sa suite…
Pascal Bléval