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jeudi 28 mars 2024

14 janvier

— Bon, elle est mignonne, cette petiote, s’écria Maglore au-dessus du berceau de la gazouillante Beverly. Mais son destin, là, c’est un peu un truc de couillonne, quand même ! Une femme politique, avec plein de responsabilités et tout ? Sérieusement ?
— Tu sais que tu me gonfles, parfois ? s’agaça Arsile. Tes vues réactionnaires et étriquées me filent la gerbe. Oui, première femme gouverneur de Caroline du Nord. Et alors, c’est quoi le problème ? Réveille-toi, ma vieille… C’est fini le temps des princesses à la con tout juste bonnes à être sauvées par des princes charmants !
— Et pourquoi pas une femme présidente, hein ? J’vous jure. On jette aux orties toutes les belles valeurs qui rendaient nos contes d’antan si édifiants ! Alors moi, j’ai une idée marrante, hein. Je lie sa destinée à monsieur Loser. On va voir comment elle va s’en sortir.
Au-dessus du berceau, Arsile foudroya du regard sa consœur. Des siècles qu’elle lui courait sur le haricot et le Conseil des fées marraines refusait toujours de leur adjoindre une collègue pour arrondir les angles entre elles.
— Et moi, la contra-t-elle, je lui donne le potentiel nécessaire pour faire d’elle une grande dame indépendante…
— Mouais. On verra bien ce que ça va donner. Je parie qu’elle va se vautrer lamentablement.
— Chiche ? Tope-la.

14 janvier 1947 : Naissance de Beverly Marlene Moore. Elle se mariera à Gary Perdue (1970-1994) sans que cela l’empêche de gagner de nombreuses élections et de devenir la première Gouverneure de la Caroline du Nord

— Réveille-toi, dit la voix.
Charles revint à lui dans une quinte de toux grasse et ouvrit les yeux. Au départ, il s’imagina avoir devant lui son Lapin blanc, très en retard. Mais c’était absurde. D’ailleurs l’importun n’avait pas de montre à gousset en main et il était tout sauf blanc.
—Qui… qui êtes-vous ? demanda-t-il en fixant de ses yeux fiévreux l’inquiétant personnage statique.
— Je m’appelle Frank. C’était le nom de mon père. Et de son père avant lui.
Une nouvelle expectoration déchira les poumons et la gorge de Charles. Les yeux exorbités du lapin noir et ses dents immenses le terrifiaient, si loin de l’idée qu’il se faisait d’un psychopompe ou d’un voyageur interdimensionnel. Mais il tâcha de chasser ses peurs en se moquant de l’étrange créature. L’humour avait toujours été son allié.
— Pourquoi portes-tu ce stupide costume de lapin ?
— Et toi, ce ridicule costume d’homme ? riposta l’autre, avec une pointe d’hostilité.
Charles comprit que c’était vraiment la fin. Il s’apprête à lui demander quand il arrivera au bout, mais, comme dans un livre déjà écrit, lu, relu et connu depuis des décennies, la seule réplique possible n’avait aucun secret pour lui : « Tu devrais déjà le savoir ».
Il plongea le regard dans les yeux noirs, insondables du masque.
— Tu as déjà vu un portail ? demanda Frank.

14 janvier 1898 : Charles Lutwidge Dodgson, alias Lewis Carroll, meurt de pneumonie. Avec son personnage de Lapin blanc, il lance une mode de lapins explorateurs de réalités en littérature qui se retrouvera aussi au grand écran.

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