« Vous prenez cette tradition beaucoup trop à cœur ! » hurlait le jeune homme qui se débattait comme un beau diable sur la table sacrificielle, maintenue par soixante-douze paires de main et surplombé par la grande silhouette musculeuse à tête d’oryctérope. Le dieu lui répondit de son étrange voix nasillarde :
« Ze ne vois pas de quoi tu te plains, humain. Z’est un inzigne privilège d’être honoré par une déezze.
— Oui, mais je serais mort.
— Z’est un détail technique.
— Dites, vous ne deviez pas m’enfermer dans une caisse avant ? »
Le dieu soupira et, baissant le bras qui tenait l’énorme couteau sacrificiel, répondit :
« Z’ai eu l’autorization des inztanzes zupérieures de pouvoir me pazzer de zette étape. D’autant qu’Iziz elle-même n’est pas contre, dézà que le marais lui file à zaque fois des allerzies. Elle n’aime pas naviguer zur le Nil, elle a le mal de mer. On peut y aller maintenant ?
— Comme si j’avais le choix, répliqua le jeune homme. Dites, je peux vous demander une faveur ?
— Ze ne zoue pas aux zéchecs, moi.
— Non, juste… Au moment de balancer mes restes dans le marais, vous pourriez éviter de paumer mon… ma… zigounette ? Ça craint, je trouve.
— Les tradizions ze perdent… » soupira le dieu en attaquant son affreux travail de démembrement dans les hurlements du pauvre sacrifié.
Vincent Corlaix
La légende était inexacte au moins sur un point. Isis avait bien retrouvé le sexe de son mari démembré, sexe qu’elle portait en collier. Cet otage lui servait de moyen de pression lors de leurs nombreuses scènes de ménage et elle ne le sortait que pour les grandes occasions.
*
Osiris se consolait comme il pouvait de la perte de son sexe avec le gode ceinture magique que lui avait confectionné sa femme Isis – et qui comportait beaucoup plus d’options que le modèle original.
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Seth considérait que sa guerre contre Osiris était pour ainsi dire gagnée maintenant qu’Isis, cette gourdasse inepte, avait rassemblé leur frère sans sa partie la plus importante… C’est qu’entre eux deux, ça avait toujours été le concours de celui qui avait la plus grosse.
Jacques Fuentealba
Aujourd’hui, Icare se réveille, les échos de son dernier rêve encore en tête. Il voit son père à ses côtés, enfermé comme lui dans le Labyrinthe de Minos, mais il oublie Dédale, il oublie jusqu’à son nom. Un mugissement tout proche se transforme en souffle de vent sur des dunes, les murs s’effritent et tombent en sable. Tout ce qu’il a vécu sur ces terres grecques, cela était le rêve. Il ne voit pas les plumes de poulet qu’il a collées la nuit précédente sur ses bras, il contemple ses membres ailés, ceux d’un milan fier et beau, le fils d’Isis qu’il doit honorer aujourd’hui de son vol, pour sa fête. D’un cri puissant, Horus l’homme-oiseau s’élance vers son grand-père Rê, mais celui-ci le rejette. Icare se réveille soudain, et sent la cire brûler ses chairs tandis que le vent l’assèche peu après, claquant dans son dos et ses bras en drapeaux.
Quelque part dans un marais, Isis pleure la perte de ce nouvel enfant à travers les yeux de qui elle ne voulait voir que quelques instants.
Anthony Boulanger
La présidente du Comité des Fêtes Divines alla voir comment avançaient les préparatifs. L’abondance de couleurs lui agressa les yeux et elle manqua se vautrer dans un massif de fleurs blanches et violettes.
— Pourquoi vous collez tous ces étendards arc-en-ciel partout ? On ne célèbre pourtant pas la Gay Pride !
— Mais m’dame, les attributs d’Isis sont pourtant bien l’écharpe arc-en-ciel et les fleurs du même nom !
La présidente du Comité se tapa le front du plat de la main :
— Oh, les ignares ! Oh les incultes, les incapables, les idiots ! Ils se sont trompés de déesse.
Nelly Chadour
Quelque part au Panthéon, le mess des dieux désœuvrés
— Ben, tu en fais une tête, Isis.
ISIS. — Tu crois que c’est facile à vivre ? Avant j’étais célébrée et crainte tous les jours. Maintenant, il y n’a guère qu’une poignée d’allumés qui y pensent.
BACCHUS/DYONISIOS. — Allons… Je t’ai apporté des bouteilles de ma réserve. Un vrai nectar. Goûte, ça te mettra de bonne humeur. Hé ! Seth ! À boire qu’’il nous faut !
ISIS. — Si c’est pour te moquer de mon frère, tu ferais mieux de partir.
YAVHÉ/JEHOVAH/ALLAH. — Chère Isis, je t’ai apportée une couverture pour te tenir chaud. C’est de la laine pure de mouton du Nil.
ISIS. — Toi ? Comment oses-tu seulement te montrer ici ? C’est à cause de toi et de ton monothéisme à la con que je me retrouve avec cette bande de désœuvrés. Tu nous as pris tous nos fidèles, sur tous les continents. Tes cadeaux, tu peux te les garder Tu crois que j’ai oublié Moïse ? C’est quoi le piège avec ton plaid d’Egypte ?
Père désœuvré
« Un puzzle à quatorze pièces, vous vous foutez de ma gueule ? En plus, il manque la pièce maîtresse ! Allez, Seth, fais pas ton chacal ! Rends-la-moi ! »
Sandrine Scardigli
[…] RT @microphemerides: 14 mai : Icare, jeux de mots, sacrifices, puzzles, et autres irrévérences : on fête Isis ! http://t.co/GmYtnwdrcf http… […]