Une micro nouvelle par jour pendant un an.

jeudi 03 octobre 2024

31 mai

— Mamy, tu es sûre que c’est permis ?
La lumière du soleil d’hiver tâchait la nappe de pois blancs à travers les rideaux de dentelle. Quelques miettes de gâteaux avaient échappé au chiffon. Les deux tasses de café étaient froides.
Madeleine fit la moue :
— Non, non, c’est comme ça.
Elle posa un nouveau jeton triangulaire sur le plateau.
Julie n’en croyait pas ses yeux : sa grand-mère trichait ! Elle trichait au Triomino et gagnait. À quatre-vingt-seize ans quand même.
— Bon, ok. Tu es super bonne à ce jeu quand même.
— Hihihi…
L’hiver se retrouva réchauffé d’un sourire.
De deux sourires.
Nda : scène vécue, vraie de vraie, qu’est-ce qu’elle trichait ma grand-mère…

Célia Deiana

Le 30 mai, à la veille de la Fête Mondiale du Jeu, le Joueur Invétéré parie avec qui le veut qu’il n’y aura pas de 31 mai cette année. Le lendemain, à minuit, il fait exploser le coeur de la planète pour récolter les milliards potentiels des parieurs. Mieux valait pour lui mourir riche que de perdre une seule fois.

Anthony Boulanger

— Échec et mat !
— Mais nous ne jouons pas aux échecs, voyons !
— Ah, non ? Euh, Scrabble, alors ?
— Non plus.
— Bingo !
— Tu as une image tellement désuète du jeu de société, ça manque cruellement de modernité. On a inventé bien plus drôle depuis.
— J’essaie de m’investir sur cette partie, c’est tout.
— Dans ce cas, déplace ce fichu petit poney et arrête de crier des âneries.

Élodie Serrano

« — Bzzz…….zzzzzz… TAC ! …z……..
— …zz..
— . . TIC !

— TAC ! .zzz..
TIC !
— Je te…
— …tiens… TAC ! Tu me…
— …tiens… TIC !
— Par la bar… TAC !
— …bichette… TIC !
— Le pre…
— …mier… TAC ! de…
— …nous deux… TIC ! qui…
— …rira… TAC ! aura une… TIC !
— …tapette… TAC !

— TIC ! zz..

— … TAC !
— Bzzzzzzzzz……z… TIC !…zzz…..
— …zz…
— CRAC !!! »

Le vieux Redbone venait de balancer un magistral coup de la crosse de son six-coups dans la face de son adversaire. Le craquement des os précéda de peu le bruit mat du corps inerte s’écrasant au sol.
Dans un tonnerre infernal, il déchargea son arme dans le dos de sa victime, tombée le nez dans la poussière crasseuse du saloon, éjecta les douilles, remplaça méticuleusement les balles après les avoir, une par une, consciencieusement frottées sur sa manche, referma le barillet, recoiffa lentement son stetson, puis sortit tranquillement, d’un pas scandé par le tintement de ses éperons.
Avant de relâcher les portes battantes, il se retourna vers le patron et ses habitués :
« De toute façon il allait perdre… Et le vieux Redbone n’a pas le temps de jouer… »

Old Redbone’s Lies

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