Aux États-Unis, le No Housework Day est une journée sans travaux ménagers, autant dire un jour de repos pour toutes les fées du logis, un grand moment de torture mentale pour les maniaques de la propreté et une date comme les autres pour Sally Filthy, la femme la plus crade des deux Amériques.
Nelly Chadour
Lucie s’approcha d’Hervé en minaudant. Elle a quelque chose derrière la tête, songea-t-il, soudain effrayé.
— Savais-tu qu’aujourd’hui, c’est la journée sans travaux ménagers ?
— Non. Et puis, j’ai quand même besoin d’une chemise pour demain, alors…
— Attends, ce n’est pas fini. C’est également la journée mondiale de la santé ! C’est l’OMS qui le dit, je n’invente rien.
— Je vois toujours pas où tu veux en venir. Elle est prête, ma chemise, ou pas ?
— Avant que je te le dise, tu admettras que c’est une sacrée coïncidence, non ? Imagine : quand on ne fait pas les tâches ménagères, ça signifie qu’on prend soin de sa santé, en fait ! Ça t’en bouche un coin, non ? Alors ta chemise, hein, j’aime autant te dire que je ne mettrai pas en péril mon capital santé juste pour que tes collègues ne te fassent pas de réflexion.
Hervé demeura silencieux une longue minute avant de répondre :
— Mais du coup, si tu fais pas le repassage… Ça veut dire que tu vas enfin avoir le temps de passer l’aspirateur ? De faire la vaisselle ? De nettoyer les carreaux ?
La mâchoire de Lucie s’affaissa et elle fixa Hervé avec des yeux ronds comme des soucoupes.
— Tu m’as écoutée ou pas du tout ?
Hervé bâilla et s’éloigna en se grattant le dos.
— C’est fatigant de donner des instructions. Je vais faire la sieste. Tu me mets une bière au frais ?
La porte se referma avant que Lucie ne réagisse.
— Va te faire enlever par des ET ! gueula-t-elle à travers la porte.
Seul le silence lui répondit…
Pascal Béval
Le 07 avril 2115, les Américains laissèrent de côté, qui sa tondeuse à gazon, qui son fer à repasser, qui sa pile de vaisselle sale, et sortirent de leurs maisons, de leurs bureaux, de leurs usines. Ils délaissèrent leurs voitures et leurs taxis, leurs trains et leurs avions, se regardèrent par-dessus les haies déjà en train de pousser en toute anarchie. Ils levèrent les yeux et virent les milliers de vaisseaux spatiaux quittant la planète.
— Nous sommes attaqués ? dirent certains, pensant avec espérance à Independance Day et Mars Attacks!, à tous ces livres et films qui les avaient préparés à briller aux yeux du monde en cas d’invasion extraterrestre.
— Non, nous sommes laissés en arrière, commenta quelqu’un. Ils nous ont envoyé des messages, mais nous sommes restés sans répondre apparemment.
Les plus curieux remontèrent l’historique des échanges entre les États-Unis et le reste du monde sur ces dernières décennies.
— Apparemment, les autres ont décidé d’arrêter de nettoyer la planète de nos déchets nucléaires, de nos marées noires, de nos produits chimiques. Ils sont tous partis aujourd’hui…
Anthony Boulanger
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc vécu que pour cette infamie ?
Seigneur ! Daigne m’expliquer ton caprice sibyllin.
Qui laisse accomplir, les basses œuvres du vil Hun.
Cesse donc de croasser, pareil à une corneille
Car sous peu Aetius lui rendra la pareille
Il lavera l’affront d’Attila le pilleur
Et l’Empire renaîtra par son bras vengeur
Je ne démentirai. La vindicte est opportune
Mais peu de chance, elle aura, de calmer ma rancune
Cette destruction aveugle, certes me désoblige,
Mais c’est là le moindre des soucis qui m’afflige.
Si ce n’est le chaos de cette affligeante scène
Alors s’est-il livré aux crimes les plus obscènes ?
Pleures-tu donc les proies, d’Attila l’empaleur ?
À moins que ce ne soit celles, d’Attila le violeur ?
L’embrochage des enfants certes m’attriste et me blesse
Mais ne contribue que peu à mon immense tristesse
Les outrages subis par ma femme sont aussi fâcheux
Mais ne sont pas à la source de mon esprit grincheux
Diable, tu m’intrigues et je ne saurais attendre
Que tu me dises ton malheur. Je voudrais le comprendre !
Conte-moi donc les méfaits de ce malandrin
Qui te poussent à causer à l’aide d’alexandrins ?
Du peu qui me restait, le démon me priva.
Voilà ce que m’a fait ce branleur d’Attila
Balais, brosse, lessive, furent victimes du carnage.
Me voilà sans outils, pour faire le ménage
7 avril 451 : pillage de Metz par Attila et aussi journée sans ménage.
Père Désœuvré
« Ah, non, c’est toujours moi qui nettoie ! C’est pas juste ! Aujourd’hui, je fais grève !
— Grève ? Et tu vas faire quoi, de ta journée, si tu ne te colles pas aux travaux ménagers ?
— Je vais réfléchir.
— À quoi ?
— À comment faire pour ne plus faire le ménage. Il faudrait… heu… il faudrait inventer un système… où tout le monde partage tout, mêmes les tâches ménagères… »
7 avril 1772 : naissance de Charles Fourier, créateur des phalanstères, lieux de vie communautaires.
Sandrine Scardigli