— Dessine-moi un mouton !
Le Petit Prince répète sa demande, devant un aviateur embarrassé. Il voudrait bien, lui, exécuter le dessin du petit garçon, mais quelque chose l’en empêche.
— Tu es sûr que tu ne veux pas autre chose ? l’interroge-t-il tout de même.
— Non. Un mouton !
— Mais, réplique Saint-Exupéry, de plus en plus embêté, aujourd’hui, c’est la journée des oiseaux. Tu ne préfères pas que je te dessine un oiseau ?

Bénédicte Coudière

Quand Yorgos, célibataire endurci et un peu frustré, découvrit ce délicat visage de femme sous une couche de terre bordant son champ, son cœur et une autre partie de son anatomie bondirent.
« Oh, vindiou ! La belle et bonne gueuse que v’là ! Je m’en vais la ramener chez mwô ! »
Comme il dégagea un buste charmant aux deux tétins haut dressés et aux bras gracieux, un élève officier de la marine français qui passait par là saisit bien vite l’importance d’une telle découverte.
« Hola, le plouc de Crète ! Combien pour emporter cette déesse dans un musée ?
— Nada ! Des clous ! Elle est à mwô !
— Ah ça ! Bas les pattes, cul-terreux, une telle créature mérite de plus nobles hommages. »
Et les deux hommes de tirer sur les bras marmoréens du bel objet de leur convoitise qui se cassèrent sous leurs efforts brutaux. Après un âpre marchandage, l’élève officier laissa les deux membres mutilés à Yorgos, les mains de pierre lui promettant de rigides plaisirs solitaires. Les restes appartiennent pudiquement à l’Histoire.

En 1820, découverte du buste de la Vénus de Milo.

Nelly Chadour

— Dessine-moi un oiseau !
Le gamin commençait à me courir sur le haricot. Déjà trois fois que je lui disais que je ne voulais pas dessiner un oiseau et il continuait de m’en réclamer un.
— Tu es du genre têtu, toi. Mais pourquoi est-ce que tu veux absolument que je te dessine un foutu volatile, bon sang ? Il faut faire les ailes, les plumes, tout ça ! C’est long et fatigant, si on veut faire ça bien. Moi, je préfère les bovidés.
— Les quoi ?
— Les vaches, si tu préfères. Ou les bœufs.
— Ça sent mauvais, les bœufs. Les oiseaux, c’est mignon. Je veux un oiseau.
— Tu ne veux pas que je te dessine un mouton, plutôt ? Sérieusement ? C’est à la mode, les moutons, sur Terre, en ce moment. Il y en a partout !
Le gamin fixa la foule qui nous entourait pendant un long moment avant de se tourner à nouveau vers moi.
— Je ne les vois pas.
— Quoi donc ?
— Les moutons. Tu as dit qu’il y en avait plein partout, mais c’est pas vrai.
Je soupirai. Il est parfois compliqué de se faire comprendre… J’insistai pourtant :
— J’ai quelque chose d’important à te dire, petit, alors écoute bien car je ne le répéterai pas deux fois : « L’essentiel est invisible pour les yeux. Il faut regarder avec le cœur. » Si tu fais ça, tu verras que nous sommes entourés par des moutons, en fin de compte.
Le gamin pencha la tête sur le côté. Son nœud papillon rouge était tout de guingois tellement il réfléchissait fort. Il avait l’air un peu perdu, aussi.
— Je te crois, dit-il finalement. Alors… dessine-moi un mouton !

Pascal Bléval

— Dessine-moi un oiseau, demanda le Petit Prince.
L’aviateur tenta une première fois, une seconde, mais il n’était jamais satisfait. Après la vingtième tentative, il ne put toutefois se résoudre à dessiner une cage et continua à dessiner des créatures dans le sable que le vent faisait s’envoler dans son dos.

Anthony Boulanger

«…Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. Alors tu en penses quoi, Eugène ?
— Un peu pompeux, Charles. À mon avis, ton albatros, tu devrais plutôt le dessiner. »

Le 8 avril 1845, la rencontre entre Eugène Delacroix et Charles Baudelaire change la vie de ce dernier.

Père Désœuvré

« Ah, non, trop, c’est trop ! Je ne le supporte plus ! Je vais le dégommer !
— Mais enfin, chef, rangez votre épée ! Qu’est-ce qu’il a encore fait ?
— Il a tué tous les oiseaux du cours de dessin ! »

8 avril 217 : assassinat de Caracalla par Macrin, exaspéré par ses outrances

Sandrine Scardigli