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vendredi 19 avril 2024

16 janvier – Journée du souvenir de la Prohibition

16 janvier 1920 : La Ligue des Justiciers triomphe de Dark Mad Flamel, le super-vilain alchimiolique, détenteur de la Pierre Philosophalcool, capable de transformer n’importe quel liquide en alchimicool.

Anthony Boulanger


— Les gars, nous fêtons aujourd’hui le treizième anniversaire de la prohibition et je voulais vous annoncer que le mois prochain, elle prendra fin.

— Dites-moi, lieutenant Ness, qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ?

— On va d’abord fêter ça. La fin de la prohibition, ça s’arrose.

— Oui, mais après ?

— J’sais pas, on trouvera bien.

— Et si on interdisait le tabac ? On pourrait commencer dans les lieux publics, puis dans les bars et les cafés. On pourrait faire la chasse à ceux qui ne respectent pas la loi.

— Je t’arrête, tu nages vraiment en pleine science-fiction.

Père Désœuvré


Igor Ratchmapov se penche en arrière, bras tendu à l’extrême, bouteille de vodka en main. Il se détend soudain, envoyant s’éclater contre un mur la précieuse boisson. Un liquide liquoreux s’en échappe, dans lequel se débat de plus en plus faiblement une nuée de petites bestioles à la peau transparente.

Sergueï Boutkov s’approche alors, arrosant la flaque de son lance-flammes.

— Saletés d’ET, marmonne-t-il tout en dératisant sec… Infester notre production nationale de vodka dans l’idée d’envahir nos estomacs et la Sainte Russie par la même occasion ! Heureusement que Lénine n’a pas laissé passer ça.

— Tu rigoles, c’est le dernier tzar qui a déclenché la guerre contre ces maudits ET, lui répond Igor. Pourquoi tu crois qu’il a mis en place la prohibition dès 1914, hein ? Pas pour empêcher les Boches de se rincer le gosier avec notre vodka, en tout cas. Mais faut avouer, c’est vraiment sous Lénine que la lutte a enfin obtenu des résultats.

— Il paraît qu’on en est bientôt débarrassé. On sait d’où ils viennent, finalement?

—           Bételgeuse, explique encore Igor tout en s’approchant des restes fumants des envahisseurs. Un mien ami cosmonaute m’a dit que leur étoile menace de s’effondrer sur elle-même, alors ils fuient.

— Quoi, c’est des réfugiés climatiques ?

— Ouais, c’est dingue, hein… On est tous logés à la même enseigne. La nature sera toujours plus forte que nous, achève-t-il en écrasant sous son talon le dernier ET survivant.

—           Bon, on cause, mais c’est pas tout ça. Si on veut à nouveau profiter tranquillement de notre vodka, va falloir en mettre un coup. Il paraît qu’il y a un entrepôt entier infesté à Moscou… Le boss nous y attend déjà…

— T’inquiète, Sergueï, on les fumera tous pour le réveillon !

Pascal Bléval


À la rédaction de la Microphéméride…

— Hé… Pssst !

— Quoi ?

— Jacques, Pierre, Anthony, et les autres… C’est la saint Marcel. Ça se fête, non ? Ça vous dit, l’apéro ?

— Rho Vincent, t’exagères. On n’a pas le droit, tu sais bien !

— Dégonflé, va. Sandrine et le Père sont pas là. Qui ira cafter ?

— Mais même, tu sais bien que le Père a planqué toutes les bouteilles.

— Et si…

— Quoi ?

— Et si je vous disais que j’ai ma collection privée planquée quelque part ?

— Tu bluffes.

— Non, je vous invite dans mon clandé perso. Mais pas un mot, sinon c’est ceinture, ok ?

Et c’est pourquoi l’auteur n’a jamais pu livrer sa micronouvelle dans les temps. On ne peut pas être au four et au moulin. Ou au clandé et au cabaret, comme vous voulez.

16 janvier 1920 : aux États-Unis, les ligues de tempérance triomphent avec l’entrée en vigueur de la prohibition de l’alcool, qui fera aussi la fortune du crime organisé.
16 janvier 2014 : ouverture très éphémère du premier et seul bar clandestin de l’histoire de la Microphéméride.

Vincent Corlaix


Les deux camps se font face. D’un côté, la silencieuse, majestueuse, mais non moins terrifiante garde elfe en armes et en rang d’oignon ; de l’autre, la masse bruyante, foutraque et dépenaillée, mais non moins sympathique, du Petit Peuple. Les elfes, campés sur leurs jambes, lances à terre, casques en place, subissent sans broncher (et c’est héroïque de leur part) les slogans des farfadets, nains et autres hobbits :

— Pour avoir nos mines, rendez-nous notre bibine !

— Sous terre, ça pèle ! On veut notre antigel !

— Non, non, non… à la prohibition !

Soudain surgit du brouillard une nuée d’êtres ailés qui tourbillonnent dans tous les sens dans un brouhaha invraisemblable. Des fées ! Durant un moment, le gros de la troupe choisit les elfes : le peuple féérique en a assez de la violence des hommes, que l’alcool n’arrange guère. Et puis une, puis deux, puis des dizaines d’entre elles se désolidarisent et s’envolent vers le Petit Peuple, menées par la Fée verte reine de l’Absinthe, entraînant une confusion terrible parmi les humains – confusion qui perdure depuis.

Sandrine Scardigli

La torche humaine titube sur la grande place pragoise. Elle se retient un moment sur le socle de la statue équestre de saint Venceslas, puis reprend sa lente marche vers le Musée National, gardé par des soldats des Forces du Pacte. Les cheveux naguère si noirs de l’homme qui brûle sont maintenant du rouge incandescent de l’enfer et ses yeux fondent. Ceux des soldats sont implacablement fixés sur la silhouette embrasée, leurs globes oculaires d’insecte reflétant froidement le feu et la mort. Ils n’interviennent pas pour venir en aide au désespéré que les Pragois présents sur la place essaient de sauver en éteignant le feu. Le cœur glacé des êtres lunaires est peu enclin à l’empathie.

16 Janvier 1969, Jan Palach s’immole par le feu pour protester contre l’invasion de son pays par l’Union Sélénite.

Nelly Chadour

Des mines déconfites peuplent le bar. L’interdiction qui entre en œuvre leur mine sèchement le moral. Alors qu’un silence plombé d’inquiétude s’installe, un inconnu fait son entrée. Trapu, barbe blanche, regard de baroudeur. Il va directement au comptoir et murmure au jeune gars qui fait office de patron « j’ai une proposition à vous faire ». Intrigué, celui-ci l’invite à le suivre dans l’arrière-salle. Quand il réapparaît, le souci semble l’avoir quitté. Il offre une tournée générale avec ses dernières réserves d’alcool. Le vieil homme abandonne le bar et se dirige vers une étrange machine. Sa femme l’attend à la maison.

— T’étais où ?

— Comme d’hab, au champ de courses.

— T’as gagné ?

— Nop, mais demain est un autre jour. Et je crois que j’ai un bon tuyau. On va se faire du fric tout en rendant service.

Un petit sourire en coin se dessine sur le visage de Charles Bukowski. Il se sert un verre, va couler un bronze, et des mots ancrés d’une beauté impétueuse jaillissent de son imagination spirituelle et spiritueuse.

16 janvier 1920 : début de la prohibition aux États-Unis. Le poète Charles Bukowski, né la même année, trouvera dans son grand âge le moyen de voyager à travers le temps. Parmi ses addictions, les femmes, les courses hippiques et la plus importante, l’alcool. De quoi mieux comprendre avec recul la quantité phénoménale de tord-boyaux disponibles à cette époque.

Ludovic Arfi

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