Une micro nouvelle par jour pendant un an.

vendredi 26 avril 2024

12 février – Journée de Darwin

— I… I… balbutiait le vieux chanteur à l’agonie.

— Oui, Jay, qu’est-ce que tu veux ?

L’imprésario approcha son oreille des lèvres du mourant.

— Mi… mi… micro…

— Voilà, micro et sono, tout est branché. Tu vas pouvoir donner ton petit récital sur ton lit de mort comme tu le souhaitais.

Le vieux chanteur ne parvint pas à lever la main. On dut lui tenir le micro. Il inspira une lente, longue et profonde goulée d’air qui gonfla ses poumons en sursis. Toutes les personnes présentes autour du lit attendirent. Et quand le chanteur exhala son dernier souffle, ce fut de toute la puissance de son être. Sa voix de baryton emplit tout l’hôpital et fut entendu jusqu’à l’autre bout de la ville :

— I put a spell on yoooooooou !!! Because I diiiiiiiie…

Ce fut bref mais intense et le vieux chanteur retomba mort sur l’oreiller. Au même moment, comme une épidémie rampante qui prenait sa source dans cet hôpital français, les ordinateurs se déglinguèrent les uns après les autres dans une pétarade d’étincelles. Notre monde, mais pas seulement : l’Outre Monde infernal, royaume du Sieur Satan, fut touché aussi et le diable ne put que constater, stupéfait, la volatilisation de toutes les données des âmes maudites à recueillir.

— Oh le vieux salaud, dit le Prince des Ténèbres qui devina bien vite de qui cela venait. Il a jeté un sort pour provoquer le Bug de l’an 2000 !

12 février 2000, mort de Screamin’ Jay Hawkins.

Nelly Chadour


La société des études darwiniennes mit plus d’un siècle à accepter que les androïdes soient inclus dans la chaîne évolutive du genre homo. C’est maintenant chose faite.

Pierre Gévart


— Le sujet possède encore 32 dents, ses membres sont très poilus…

— Il est extrêmement primitif, mais tout semble confirmer que cet humanoïde soit effectivement notre ancêtre.

— Ces voyages temporels sont fabuleux. Sans eux, nous n’aurions jamais découvert l’évolution des espèces.

— Attention ! Il ouvre les yeux !

— Dépêchez-vous de le rendormir. Vite ! J’espère qu’il ne nous a pas entendus.

— Ne vous inquiétez. Il est impossible qu’il puisse comprendre quelque chose. Au pire il pensera avoir rêvé.
*
Charles Darwin se réveille le cerveau engourdi. Il a fait un drôle de rêve dont il a le plus grand mal à se souvenir. Il secoue la tête comme pour remettre ses idées d’aplomb. Il s’agit de ne rien oublier avant l’embarquement pour la HMS Beagle. Cependant au moment de boucler ses valises, il en extrait un de ses cahiers et note à la hâte ces mots qui lui traînent dans la tête : « évolution des espèces ».

Père Désœuvré


— Je ne suis pas sûr de comprendre, dit Charles Darwin à son nouveau collège Thomas Thurge. Vous me dites que deux merles, pour reprendre votre exemple, peuvent donner naissance à un colibri ?
— Bien sûr ! A la conception, les deux esprits vont s’affronter et déformer les champs de probabilité autour de l’organisme à naître. Celui qui a le plus de volonté va imposer son désir, c’est la loi du plus fort !
— Mais ça viole toutes les lois biologiques reconnues par la Science !
— La science ? C’est tellement dix-neuvième siècle, mon pauvre Charles… Vous, vous n’avez pas pris votre dose de pierre philosophale, ce matin…

Anthony Boulanger


Lorsque la Beagle quitta l’Australie, avant d’aborder les îles Coco, l’équipage relâcha dans une petite île de l’archipel nippon. Charles Darwin visita un village local nommé Masara. Tandis que l’équipage ravitaillait et réparait le navire, Darwin en profita pour compléter ses notes pour son futur grand œuvre : De l’Origine des Espèces. Pour cela, il enquêta auprès des autochtones sur les espèces locales. D’abord intéressé, puis estomaqué, il devint petit à petit éberlué puis effrayé. Il remonta à bord du navire, furieux, en se promettant de ne jamais mentionner dans ses travaux le sujet de la faune japonaise. Il laissa derrière lui sur le quai un professeur Yukinari Ōkido abasourdi, son pokédex ouvert à la main.

Vincent Corlaix


— Dis, Bakteria, tu crois qu’il va vraiment lui faire gober ça, à l’humain ?

— Mais oui ! Quel pessimiste tu fais, Viruso !

— Tout de même… leur faire croire que la loi du plus fort s’applique partout…

— Ben justement ! Ils n’en seront que moins craintifs !

— Quelle intelligence stratégique tu as ! Ça en est bouleversant ! Dire que grâce à ce petit parasite dans la tête de Darwin, l’humanité tout entière va oublier de se méfier de nous…

C’est ainsi que bactéries et virus continuent à gouverner le monde vivant.

Sandrine Scardigli

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